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NOTES ' 6 J c>

Où crève infiniment la rumeur de la masse

De la mer, de la marche et des troupes des eaux.

Tonnes d'odeurs, grands ronds par les races heureuses Sur le golfe qui mange et qui monte au soleil.

On songe à un Bateau ivre, mais riche de plus de sérénité, et de ce germe de pureté d'où devait jaillir une rose de si beau cristal.

ROGER ALLARD

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��CHANTS DU DÉSESPÉRÉ, par Charles Vildrac (Edi- tions de la Nouvelle Revue Française).

On ne peut lire de sang-froid ces vingt et un poèmes dont chacun, à son tour, du même geste impérieux et tendre, vous « prend par la main » et vous invite à témoigner avec lui contre la guerre et le militarisme. Cette poésie qui parle au cœur et que le cœur accueille, cette chanson spontanée dont la mélodie une fois entendue ne s'oubliera plus, cette tendresse humaine toute simple et sans fausse honte, qui, avant 1914, pouvaient sembler non pas insincères, mais trop voulues et côtoyer trop souvent la sensiblerie et l'humanitarisme, prennent aujourd'hui tout leur sens pour tous ceux que la guerre a rapprochés d'eux- mêmes. Il y a là une émotion contenue à laquelle le belliciste le plus décidé ne pourra lui-même se soustraire, même s'il s'oblige à se rebeller contre Vindignatio qui dicta ses vers au poète.

Ce qu'il ne faut pas, c'est que la qualité morale et le jaillis- sement incessant de l'émotion voilent la qualité littéraire de ces poèmes et leur valeur novatrice.

Qu'apporte donc Vildrac à la poésie française ? Tout d'abord une poésie qui est exactement d'aujourd'hui. Avec une ampleur et une force que n'aura jamais Vildrac (car nous savons aussi bien que quiconque que Vildrac, vrai poète, pur poète n'est pas plus un « grand poète » que Sappho, Théocrite, Catulle ou Albert Samain), un Paul Valéry concentre en lui, en le vivifiant, tout le legs de notre passé poétique, de Villon à Mallarmé ; un Jules Romains s'efforce à mordre sur la poésie de demain, à la préformer, Vildrac est peut-être (avec Larbaud) le seul poète français du « temps présent », non pas que sa

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