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NOTES 603

Ces vers de M. Jules Romains, que l'auteur de Face à face cite en exemple, ont leur genre de beauté grave. L'absence de rime y est à demi déguisée par un jeu subtil d'assonances et de rap- pels de consonnes. Et cette absence de rimes est elle-même un procédé qui, déjouant la routine de l'oreille, tient la curiosité en éveil. Mais l'effet en est court. J'ai écouté Crovicdeyre-le-vieil avec l'attention que méritait ce poème dramatique. Il m'a semblé d'abord que l'absence de rime engendre une monotonie non pas égale, mais pire que celle de la rime.

Pour ce qui est de l'allitération, c'est là un procédé qui con- vient aux langues où l'accent tonique est partout fortement mar- qué. En français il a quelque chose de trop voyant et se confond aisément avec des effets d'harmonie imitative qui ne sont agréables que par hasard. Mais l'assonance, direz vous ? L'asso- nance en définitive, qu'est-ce sinon une rime pauvre ; et pour- quoi le dogme de la pauvreté obligatoire plutôt que celui de la richesse ? Ce serait là pousser un peu loin le préjugé démago- gique.

Une juste remarque de M. Luc Durtain a trait au vers de qua- torze syllabes, lequel « par sa longueur et ses propriétés arith- métiques, refuse cette scansion trop nette à laquelle l'alexandrin ne se prête que trop, et risque moins que ce dernier de rebu- ter l'attention par la monotonie ou de la fatiguer par la diver- sité » et comme tel convient aux œuvres de lonjnie haleine.

Sans doute. Toutefois, sitôt que l'oreille aura saisi le nombre du vers, et que le contrôle S3'llabique s'exercera automatique- ment, les chances de monotonie seront les mêmes que pour tout autre mètre avec lequel nous sommes familiarisés. A des oreilles françaises levers de quatorze syllabes offre un attrait plus positif: sa ressemblance à l'hexamètre latin. A M. Luc Durtain que ces questions techniques préoccupent et qui les aborde avec bonne foi, sinon sans prétentions, je me permets de signaler les Sonnets de guerre de M, Henry Céard, où se rencontrent d'admi- rables exemples de vers mesurés et scandes, comme les hexa- mètres latins, avec la césure vocale tantôt après la dixième syl- labe, tantôt après la huitième. Si l'on considère que 14 est divisible par 2, de même que 8 et que 10, que 6 est divisible par 2 et par 3, on conçoit la variété des combinaisons rythmiques qui découlent de cette arithmétique, dont M. Céard a tiré le plus

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