578 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
aient vos principes. Mais les sœurs ne voudront pas les recevoir. Ces dames sont difficiles. Elles n'aiment pas tout le monde. Trois fois déjà, elles m'ont refusé leur porte.
— Il est vrai, elles ont leurs raisons pour ne pas admettre n'importe qui, mais je vous recommanderai. »
Françoise rentre chez elle. C'était l'été. Le soir, leurs fenêtres ouvertes, sa fille la plus jeune qui était sage lui lisait un journal démocratique. Elles causaient très fort de façon que tous les bourgeois d'alentour qui parlaient bas derrière leurs persiennes fermées, suivaient le verbiage et en étaient incommodés. Quand elles étaient couchées toutes deux, chacune dans un lit, elles continuaient à s'entretenir encore plus fort de tout ce qu'elles pensaient, — ouvertement, sans rien dissimuler. Les enfants se mêlaient à leurs propos. Il n'y avait que ces criailleries qui les retinssent étrangères — « faubourignières », disait-on, par mépris, pour faubouriennes, — et elles étaient en effet une colonie du faubourg, tout un petit faubourg en villé- giature, — dans ce quartier quasi-aristocratique. Toute aristocratie est relative.
— « Pourquoi ne lisez-vous pas « la Croix » ? lui dit la bouchère un jour. Ce mot aurait dû la faire se mettre en garde. •
Sans doute, si Françoise était entrée chez le notaire du premier étage,, lui eût-il dit :
— « Pourquoi ne lisez-vous pas « le Gaulois » ou « le Figaro » ? »
Ce soir, la fille de Françoise, qui n'aimait guère les façons des religieuses, ne leur ménagea pas les épithètes les plus décolletées. Elles s'endormirent. A peine s'étaient-elles endormies qu'un petit garçon les appela d'une voix dou- loureuse :
— « Grand'mère Françoise, père est mort. » Françoise se leva toute droite. Elle songea à tout ce qui
pouvait lui rendre pitoyable celui dont on lui annonçait la
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