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VIEILLE FRANÇOISE 577

neries... Et Françoise descend dans la cour du boucher. La servante la recommande à tout le monde de la maison et l'y installe. Françoise se croit en paradis sur la vieille chaise de paille qu'on lui abandonne. Elle se sent enivrée par la lumière qui tombe tout droit, du ciel qu'elle ne voit pas, — sur elle. Les plumes blanches qu'elle touche lui paraissent blanches comme la Blancheur qu'on désire de voir et qu'on ne voit jamais sur la terre. Elle est heureuse. Elle entend la voix de la bouchère, une grande dame habillée de satin noir qui est tout près d'elle avec une croix de jais sur sa poitrine. Les plumes blanches volent autour de ses deux mains qu'elle rencontre dans sa joie toutes nimbées, comme des amis qu'on avait connus malheureux et qu'on retrouve dans le bonheur.

Après des semaines, la servante un matin de dimanche appelle Françoise par son petit nom : « Françoise ! »

Françoise lui dit : « Alors, c'est bien vrai. Main- tenant vous me considérez comme une servante comme vous. »

La jeune fille s'étonne un peu de ce transport incompré- hensible. Elle ira le même soir chez Madame Pô et lui dira : — « Eh bien ! ces gens des Tanneries dont nous redoutions le voisinage ?

— Ils sont comme les autres, dit Madame Pô.

— Meilleurs que les autres, renchérit la servante. Cette Françoise me rend tant de services et toujours avec la même douceur.

— Meilleurs que nous, convient Madame Pô. Un soir elle m'a tenu bonne compagnie.

— Ce matin, elle m'a rendu contente, moi, d'être servante. Je n'avais jamais songé à être contente de cela. »

Bientôt la bouchère fait appeler Françoise. Elle lui dit : « Il faut mettre vos petites filles à l'école chré- tienne.

— Oh ! Je le voudrais bien. Madame, pour qu'elles

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