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VIEILLE FRANÇOISE

ou « A LA CONaUÉTE DE L'HONORABILITÉ »

��« Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume de Dieu. »

(Math., xviii, 3,)

Il y avait dans la petite ville de Chantaume une rue mau- dite que les honnêtes gens ne prenaient jamais. Les vieilles filles en apercevaient-elles les maisons de loin, — elles se signaient. Quand un curieux s'y aventurait le soir, après toute une vie de désir et de peur, il y menait vingt pas timides et s'en retournait, — tant la lumière de la lune s'y faisait hagarde et troublante, parfois splendide jusqu'à donner de l'aveuglement. Les chats y avaient les allures du malin esprit. De vieilles femmes ivres sur leur seuil, en robe sérieuse, y connaissaient le geste des somnambules pour attirer l'homme et qu'il partageât leur hystérie. Elles soulevaient chacune le rideau de sa porte, dès qu'il appro- chait, — et l'on entendait dans l'ombre de la chambre le souDÎr d'une fille nue.

Vieille Françoise habitait cette rue des Tanneries depuis longtemps. Il lui en coûtait. Elle en voulait sortir. Dût- elle se contenter d'une mansarde, elle aurait laissé volontiers les trois pièces de sa maison, la cour, le grenier, le jardin où poussaient les scabieuses et les belles-de-nuit près d'une charmille. Souvent elle arrêtait son choix, mais dès qu'on apprenait qu'elle venait des Tanneries^ les futurs voisins

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