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564 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pour que la raison soit satisfaite. Aussi ne sommes-nous capables que d'une politique, celle des conséquences, j'en- tends des conséquences logiques. On nous a pillés : il faut qu'on nous rembourse. Nos maisons ont été démolies : il faut qu'on nous les reconstruise. Il n'y a pas d'équivalents à chercher. Nous n'examinons aucun moyen par où la richesse puisse nous revenir s'il ne se présente comme répa- ration, s'il ne consiste dans l'extinction directe de la dette que l'ennemi a contractée envers nous et que notre imagi- nation sans cesse nous remontre.

Nous sommes créanciers dans l'âme. Cela ne veut point dire que nous soyons cupides ; la cupidité donne de l'adresse et Dieu sait si nous en manquons ! Ce n'est pas de la richesse elle-même qui nous a été enlevée que nous sommes épris. Notre revendication est au contraire presque désinté- ressée ; la passion qui l'engendre et qu'il nous faut apaiser, est d'ordre principalement intellectuel ; nous demandons qu'il soit obtempéré à la justice, c'est-à-dire que le présent vienne former au passé, dont nos yeux ne se détachent pas, une sorte de conclusion légale ; nous demandons que les événements se tiennent comme se tiennent nos pensées et que nous puissions circuler le long d'eux avec la même sécurité qu'à l'intérieur d'un raisonnement.

Il nous est extrêmement difficile d'oublier. La guerre n'était pas finie que des ligues déjà se formaient pour empêcher que la moindre petite parcelle n'allât se perdre dans les mémoires, du tort qui nous avait été fait, des horreurs que nous avions subies. Mais c'était bien inutile, car l'inscription s'en était faite toute seule et pro- fondément.

Nous sommes le peuple le moins pardonnant de la terre, celui chez qui il y a le moins de chances pour que le cœur jamais déblaie l'esprit ; nous ne sommes à rien moins enclins qu'à l'absolution. Notre générosité, il faut la cher- cher dans notre facilité à nous éprendre des grandes causes.

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