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MARS OU LA GUERIŒ JUGÉE 543

Retraite et son Monastère, avec tous les avantages et les inconvénients de l'institution, qui tend naturellement à séparer l'âme du corps et l'intention de l'acte. Le soldat pensant pense pour l'Avenir seulement, pour le Ciel, dirait- on presque.

Ce genre d'inertie, dont les effets frappent le Visiteur et en général celui qui n'est point dans le métier, crée un dan- ger imaginaire qui viendrait d'indifférence totale. Aussi les renforts de l'ordre moral sont bientôt envoyés, mécani- ques aussi, lieux communs et formules oratoires, puissants seulement sur les Imaginations qui ne sont pas assez net- toyées par le Feu proche. Mais les Praticiens sentent assez que la mécanique se suffit à elle-même, et que le souci de vêtir et de nourrir, joint à une rigueur de discipline sans aucune faiblesse, rétablissent le plus simplement du monde ce que l'on appelle très improprement le Moral du combat- tant. Les Causes l'emportent ici sur les Fins à tel point que le plus humble en a le sentiment juste. Aussi, dans les instants de relâche, le rire règne sur ces régions désolées. Ainsi se poursuit, par la structure propre de l'armée en ligne, ce massacre mécanique, où la force morale ne s'em- ploie jamais à choisir, mais toujours à supporter. Prépara- tion ascétique, qui nous renvoie dépouillés d'orgueil et même de vanité, d'après cette vue que la vanité ne va pas loin si elle ne peut s'orner. La simplicité honore les héros et déshonore la guerre.

Un des jeunes qui en sont revenus me disait : « Si sim- plement qu'on parle de la guerre, on l'orne trop; et les enfants qui nous écoutent ont toujours trop d'envie de la faire. Il vaut mieux n'en point parler », Mais cette vaste étendue de silence était le mieux ; signe effrayant pour les rhéteurs. Et je sais maintenant que la jeunesse l'a très bien compris. Les discours n'arrivent pas à remplir ce grand espace de silence.

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