Page:NRF 16.djvu/546

Cette page n’a pas encore été corrigée

540 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le refus d'obéir est rare, surtout dans l'action ; ce qui est plus commun, c'est la disposition à s'écarter des régions les plus dangereuses, en inventant quelque prétexte, comme d'accompagner un blessé ; d'autant qu'il est bien facile aussi de perdre sa route ; quant à la fatigue, il n'est pas nécessaire de l'inventer. D'après de telles raisons, et en supposant même chez le soldat prudent une espèce de bonne foi, par la puissance que la peur exerce naturellement sur les opi- nions, on verrait bientôt fondre les troupes, et se perdre comme l'eau dans la terre, justement dans les moments où l'on a un pressant besoin de tous les combattants ; j'ajoute que c'est ce que l'on voit toujours si l'on hésite devant des châtiments qui puissent inspirer plus de terreur que le combat lui-même.

Chacun a toujours une bonne excuse à donner, s'il ne se trouve pas où il devrait être. Si ces excuses sont admises, la peine de mort, la seule qui ait puissance contre la peur, est aussitôt sans action ; car, bon ne ou mauvaise, l'excuse paraîtra toujours bonne au poltron ; il aura quelque espérance d'échapper au châtiment ; et cette espérance, jointe à la peur, suffit pour détourner imperceptiblement du devoir strict l'homme isolé à chacun de ses pas. Il faut donc que celui qui n'est pas où il doit être ne puisse invoquer ni une défaillance d'un moment, ni une fatigue, ni une erreur, ni même un obstacle insurmontable ; d'où la nécessité de punir sans aucune pitié, d'après le fait, sans tenir compte des raisons.

Le spectateur éloigné ne peut comprendre ces choses,, parce qu'il croit, d'après les récits des combattants eux- mêmes, que les hommes n'ont d'autre pensée que de courir à l'ennemi. J'ajoute que les pouvoirs ont un intérêt bien clair à faire croire cela ; car on aurait honte, à l'arrière, de réclamer une paix seulement passable, quand les combat- tants sont décidés à mourir. Mais, à ceux qui ont la charge de pousser les hommes au combat, l'art militaire a bientôt durement rappelé ses règles séculaires, qui ont pour objet

�� �