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MARS OU LA GUERRE JUGEE . 529

visible par les spectacles et les chansons. Mais je pensais aussitôt à ce que j'ai vu de la caserne quand la classe qua- torze y vint apprendre le métier de soldat. Ici sont les raci- nes de la guerre, et ses moyens secrets. Jeunes hommes séparés de leurs familles, captifs et exilés. Soudain, jetés dans l'ordre humain le plus effronté, le plus cynique, le plus puissant aussi par la hiérarchie, par la moquerie, par la domination des plus corrompus. L'homme est dévêtu alors de ce qui l'orne et le protège, comme la sinistre cérémonie du Conseil de Révision l'annonce assez. Dépouillés de toute pudeur, à l'âge où il faut que la pudeur soutienne la sagesse. D'un côté soumis à un pouvoir hautain et lointain qui ne voit en eux que moyen et matière ; et de l'autre soumis à un pouvoir d'opinion proche, familier, bientôt grossier par le règne des impudents et des brutaux. Ainsi se forme et gran- dit de mois en mois un sauvage esprit de révolte, mais purement animal et bas, découronné, qui gronde et n'agit point ; cette mauvaise volonté sans tête est le pire des pro- duits humains.

L'art militaire, aussi ancien que l'escrime, a, de même que l'escrime, des finesses de praticien, qui étonnent d'abord, et bientôt effrayent par leur action concordante, qui va toujours à la même fin. Tout ce cynisme appris et tout ce désespoir informe iront enfin à l'assaut après bien des détours ; cette colère ne peut s'échapper que par là. Tout y concourt, jusqu'à ces costumes étudiés qui dirigent si bien le respect et l'humiliation. Tout est calculé, quoique sans pensée, pour que la moquerie des plus vils coquins assure encore cet ordre terrible. Et, par réaction, les puissantes cérémonies et les actions en masse sont belles, touchantes, enivrantes encore plus. D'où ce désir de l'action suprême qui réhabilitera. C'est pourquoi l'on n'ose point dire que l'on ferait la guerre aussi bien si les hommes n'étaient déca- pés et trempés par ces procédés traditionnels. Mais aussi cet entraînement veut la guerre, parce que l'idée de la guerre 'ramasse en elle toutes les espérances et toutes les ven-

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