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528 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

soyez instruit ou ignorant, cela n'y changera rien ; il faut ici penser et agir dans le bonheur le plus enivrant. Les petites raisons ne servent qu'à vous amener là, si vous êtes libre de vos mouvements. Pour le soldat, il y est conduit par force ; mais il l'oublie aussitôt. Cette parade n'a nulle- ment besoin de raisons ; elle se suffit à elle-même ; elle s'affirme glorieusement. Il n'y a qu'un remède contre cette admiration totale, c'est d'être ailleurs. Et encore est-il qu'en pensant seulement à cet ordre humain qui va, je sens que je voudrais aller aussi. Mais le spectacle lui-même trompera encore mon attente. J'irai. J'irai.

Par ces caractères, je dis que la chose militaire est pro- prement esthétique. Et je remarque qu'il n'y a point d'autre art populaire en ce temps-ci, ni même d'art qui soit com- parable à celui-là, par la puissance et la perfection. Chacun y est pris. Chacun y sera pris. Oui les morts seront oubliés; et les erreurs aussi ; et les mensonges ; et les froides et tristes réflexions nées de solitude.

Il faut savoir que le beau est ce qui met l'esprit des hommes en mouvement. Le vrai même est faible à côté ; et le bien est austère quand on s'y m.et. Je tiens quel'amour de la vérité est faible, quoiqu'assez bien dirigé toujours, s'il n'est payé. Aussi, dans les discussions, les passions tristes finis- sent par régner. Au lieu que l'amour du beau efi'ace tout et guérit cette âme inquiète et faible. Aussi cette mystique de la guerre, née d'un spectacle, régnera toujours et sur tous. Semblable en cela à l'esthétique religieuse, mais plus puis- sante encore par son mouvement accéléré. C'est par là qu'on saisit la parenté, étrange autrement, de l'esprit militaire et de l'esprit religieux ; ce que l'oreille musicienne, au Te Deum, saisit très bien.

ANIMAUX DE COMBAT

J'ai vu sur les murs une affiche honorable, mais qui vise à côté. On y dénonce cette corruption des jeunes gens.

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