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LE VOITURIER 519

est revenu ! » Lui, il n'y prit pas garde et s'en alla sans donner le bonjour à personne. Le soir même, il quittait le Vexin pour toujours. Je vous prie de remarquer qu'il ne retourna jamais dans ce pays. D'après ce que je sais, il cessa même bientôt d'y penser : il n'avait pas longue mémoire et n'était point homme à penser sur beaucoup de choses à la fois.

Il revint à Berville et reprit ses bricoles, toussotant, cra- chotant, se levant dès les chats, faisant poliment tout ce qu'on le priait de faire, donnant l'impression d'un garçon usé, minable et qui ne saurait aller très vieux.

Maintenant, attention ! Voilà les choses qui deviennent drôles.

Le lendemain du jour où Laudrel avait été aperçu près du cimetière de Liancourt, les gens de ce village décou- vrirent, derrière une meule, le cadavre d'une fille de ferme. Comme on le sut par la suite, cette fille avait été étranglée et traitée d'une manière honteuse ; cela parut d'autant plus triste que ce n'était pas une vacatout, mais une femme de bien.

Les gendarmes levèrent le nez, cherchèrent le pied du vent et découvrirent, sans aller fort loin, un damné chemi- neau qui, une fois sous les verrous, avoua, sans trop de difficulté qu'il était le coupable. La justice se mit donc à la besogne avec ce chemineau qui n'a guère d'importance pour ce qui concerne mon histoire.

Les gens de Liancourt laissèrent bavarder les hommes de loi ; ils n'en pensèrent pas moins. Ils avaient leur sentiment sur l'affaire ; tous murmuraient : « C'est Toupin qui a tué la fille. »

Ce n'était guère sensé de porter le crime au compte de Laudrel puisqu'on tenait l'assassin et qu'il avait avoué ; mais quand une opinion s'enracine dans un village, le Père éternel lui-même aurait peine à l'en arracher. Laudrel dit Toupin avait été vu par deux femmes parfaitement saines d'esprit et dignes de foi. Alors qu'on le croyait au

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