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NOTES 505

ceux ci'avant-guerre. Avant de s'engager dans de longues recherches, ils hésiteront ; se contentant moins facilement d'avoir fait une découverte, ils voudront en connaître la portée morale et pratique, et ses multiples répercussions. Unecuriosité intellectuelle, la jouissance spirituelle, l'application d'une méthode, l'idée qui en fait naitre d'autres, ne seront plus des motifs suflisants pour justifier l'effort qui tend vers la vérité. A- t-on droit à la vérité, à la vérité sans épithète, à la vérité qui pour tout témoignage, ne s'otïre qu'elle-même, se demanderont- ils peut-être. Ils ressembleront alors au jeune artiste qui, devant un corps de femme, hésite et se trouble : après tout tu n'es que belle, dit-il; il cherche une justification, et sa peinture deviendra un manifeste.

L'attitude de scepticisme qu'on observe beaucoup moins envers la vérité qu'envers sa valeur et l'intérêt qu'elle pourrait comporter en elle-même, prédispose l'esprit à toutes sortes de pragmatismes. La vérité reçoit des valeurs par l'extérieur, ou même, elle n'existe qu'en fonction de ces valeurs. Vrai sera désormais ce qui rend, ce qui a de l'efficacité. En émettant une thèse, vous faites un placement social ; d'après ce qu'il rapporte vous jugerez si vous avez raison ou tort. Si votre placement a été bon, vous avez été dans le vrai, sinon vous vous êtes trompe, et votre thèse doit être écartée. C'est ainsi que vous serez parfaitement justifié, en disant que ce qui remonte le moral doit être vrai. On ne peut cependant ignorer que ce qui remonte le moral des uns, abaisse celui des autres. Il y aura donc plusieurs vérités ; il y en aura autant qu'il y a de nations. Le pragmatisme social, pour tendre dans chaque cas particulier à l'absolu, aboutit en fait, et vu les circonstances, au relati- visme, à un relativisme national.

Comprenez-vous maintenant pourquoi le socialisme et le prussianisme ne font qu'un ? Le prussianisme c'est le socia- lisme ; voilà qui est trouvé, voilà qui fait du bien. Le lecteur est fier, il se voit comme l'homme de l'avenir, il est content ; et c'est beaucoup de faire des contents dans un temps où personne ne l'est ; mais est-ce là aussi la meilleure preuve qu'on puisse donner d'une vérité ?

Vous vous demandez peut-être : quand la vérité recouvrera- t-elle son indépendance ? Je ne saurais vous donner de préci-

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