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504 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dans sa recherche, mais on adorait comme vérité tout ce qui se présentait comme telle, sans aucun souci de l'intérêt qui pou- vait s'y attacher. En parcourant traités et articles, il vous arri- vait alors do dire que tout cela semblait en etîet assez solide- ment établi, mais que vous ne voyiez pas d'être au monde que cela pût intéresser. La vérité de ce temps était souvent ennuyeuse ; je dirais même qu'elle y mettait une certaine coquetterie, ne voulant être aimée que d'un amour pur et désin- téressé.

Mais bientôt la vérité devint moins prétentieuse. Les temps avaient changé, elle dut pour suppléer aux attraits qu'elle avait perdus ou qu'on avait cessé de lui reconnaître se rendre intéres- sante. C'est alors qu'on vit des auteurs savants annoncer dans leurs préfaces, que, quoi que les titres de leur ouvrage ne le fis- sent pas prévoir, les lecteurs y trouveraient une solution à des questions qui devaient les préoccuper beaucoup, parce qu'étant de toute actualité. C'est ainsi que la vérité promettait à tous ceux qui voulaient l'entendre, que, désormais, ils ne s'ennuieraient plus avec elle, ce qui d'ailleurs la plupart du temps n'était qu'une façon de parler.

Les temps troublés qui suivirent étaient peu faits pour accroître le prestige de la vérité. On lui en voulait de n'être que la vérité et de faire la plupart du temps besogne inutile, voire même dangereuse, parce que sans rapport avec les événe- ments du jour. Il lui arrivait aussi de sourire parfois quand on annonçait des victoires, ce qui lui valut d'être traitée de mau- vaise citoyenne. Mais cela sort de mon sujet. Disons seulement qu'à force de se voir délaissée, elle devint gauche et timide. Ayant perdu la confiance en elle-même, un peu dépitée d'ailleurs et déçue, elle vit bien que si elle trouvait encore des adorateurs, les temps n'étaient plus où elle pouvait mener une existence purement contemplative.

Un terrible problème semble se poser aujourd'hui : celui du sens et de la valeur de la vérité. Je ne parle pas de la question de Pilate : qu'est-ce que la vérité ? c'est un problème d'ordre déjà ancien, et qui intéresse les philosophes. A quoi bon la vérité, devons-nous dire aujourd'hui. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que pareille question se posera bien plus pour les savants, qui auront grandi pendant la guerre, que pour

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