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494 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

niscr la rcsistance ; la lîcre d<îtcrmination de Pierre Bûcher fut celle de tout un pays qui passait avec lui à une défensive métho- dique.

Si Ton ne connaît pas le poids qu'une caste dirigeante, jalou- sement fermée, fait peser en Alsace sur tout ce qui n'est pas de son bord, on ne saurait comprendre quel couvercle un homme jeune devait soulever avant d'oser avoir foi en lui-même, puis avant de pouvoir faire respecter cette foi par autrui. Et il faut se représenter l'infériorité où un enseignement en langue étran- gère peut mettre un provincial, les efforts qu'exige l'acquisition d'une culture même moyenne, il faut mesurer toutes ces difli- cultés surmontées, pour comprendre ce qu'il y avait d'âpre et d'impératif dans la passion de Pierre Bûcher pour ce qui est français. Au temps où il était engagé dans la lutte contre les autorités allemandes, lutte souvent morne et épuisante, que de fois est-ce lui qui trouvait moyen de redonner du cœur aux parisiens, alors qu'il aurait dû pouvoir s'appuyer sur eux ! Et tel était le rayonnement de sa personnalité que c'est, en quelque sorte, l'Alsace qui par lui reconquérait la France, plus encore que la France qui reprenait pied en Alsace.

Pendant les dernières années de la guerre, on put voir ce spectacle inouï : des généraux venant écouter avec déférence un simple major de deuxième classe, se faisant expliquer par lui les forces respectives de l'Allemagne et de la France, le laissant, exaltés par la merveilleuse lucidité de sa parole, détruire tantôt leurs illusions, tantôt leurs doutes secrets. Une autorité naturelle mettait Bûcher de plain-pied avec les plus grands chefs.

11 ne peut être question de dessiner ici cette complexe et belle figure. Ceux qui l'ont approchée ont pu voir à l'œuvre les ressources, les souplesses, le coup d'œil prompt, les prudences jointes au goût du risque, les calculs et la fougue, le calme parfait dans le danger qui appartiennent au grand homme d'ac- tion, et ce dévouement total à sa cause qui fait, si l'on peut dire, sa sainteté. Après le grand essor de la victoire, nous l'avons vu se remettre avec abnégation à sa tâche d'avant-guerre et consa- crer à la parfaite soudure entre la France et les provinces récu- pérées les forces qu'il avait jadis employées à protéger les liens menacés. La lutte que la Revue alsacienne illustrée avait menée

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