NOTES 49 r
Une question d'argent avait brouillé Gaston Phébus et son beau-frère le roi de Navarre. La comtesse de Foix, sœur de ce dernier, n'osait plus quitter sa cour malgré les instances de son fils qui était allé la rechercher. Au moment où ce jeune homme allait repartir seul, le roi lui glissa une bourse pleine d'une certaine poudre qui, disait-il, s'il en faisait prendre au comte, agirait comme un philtre d'amour et ne manquerait pas de réconcilier les deux époux. Cette poudre, découverte par Phé- bus, tua net un de ses chiens. Furieux, le comte voulut faire périr son fils, puis se contenta de le jeter en prison, non sans avoir fait mourir « de la plus horrible mort » quinze jeunes écuyers « si jolis, si beaux, que ce fut pitié ». Mais comme le jeune homme désespéré refusait depuis neuf jours toute nourriture, son père, s'emportant de nouveau, lui creva par accident une veine du cou, avec un petit canif dont il se curait les ongles. La mort s'ensuivit aussitôt, dont le comte ne se consola jamais.
Ces détails expliquent pourquoi dans ses Oraisons, Phébus insiste avec tant d'âpreté sur ses péchés affreux, criant à Dieu miséricorde, non seulement par crainte de l'enfer, mais aussi par le sentiment plus noble de sa propre imperfection et impuissance, par foi complète en la miséricorde divine plus forte que le mal et par aspiration sincère à l'amour absolu con- sidéré comme nécessaire à l'harmonie véritable de son âme. Est-ce grâce au souvenir de David pénitent que le comte de Foix atteint parfois une grandeur presque biblique ?
« Tu remplis le Ciel », dit-il, « et la Terre, portant tout l'Univers- sans effort ; tu remplis tout sans être borné toi-même ; tu es toujours en travail, recevant sans avoir de besoins, deman- dant bien qu'il ne te manque rien.
« Tu aimes sans te consumer, tu te reprends sans déplaisir, tu es courroucé et très paisible... Tu récupères sans avoir rien perdu... ; tu paies tes dettes et ne dois rien : tu négliges de recouvrer ce qu'on te doit et tu n'éprouves aucune perte... Tu es invisible et tu es perçu...; tu es partout présent et nul ne te peut trouver. Tu environnes, domines et soutiens toutes choses...
« Je te désire. Seigneur; appelle-moi, s'il te plaît, par mon nom... »
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