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NOTES 487

l'homme qui ne recherche d'appui qu'en soi, M. Artusse laisse entraîner au delà de ce qu'exigeait le dessin de son livre : on a peine à le suivre dans l'épisode où sa victime tue de sa propre main l'ami suspect qui a dévasté sa vie. Mais il nous intéresse de nouveau quand il nous montre les blessures laissées par cette crise dans l'homme vieillissant, son redressement partiel, l'hypo - crisie d'une double existence et l'acceptation détinitivc de ce qui, dans la débauche tardivement apprise, correspondait sans doute à un goût profond. je.\n schlum berger

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TENDRES STOCKS, par Paul Morand (Editions de la Nouvelle Revue Française).

Les trois héroïnes de Paul Morand — Clarisse, Delphine, Aurore — se présentent à nous, irréelles et véridiques, dans une Londres cosmopolite, crapuleuse et dévorante, et, comme devant les portraits de femmes de Van Dongeu, nous comprenons tout à coup ce qu'est l'ère des bars, des dancings et des aéroplanes.

Ces figures féminines traitées, nous semble-t-il d'abord, en pointe-sèche, soudain ricanent ; leur fard s'écaille ; les diamants à leurs doigts se muent en strass ; le dessin léger se transforme en planche d'anatomie. Mais bientôt le sourire renaît sur leur bouche, comme dans les baraques de foire, sur le fond noir du rideau, alterne l'apparition d'une tête de mort et d'un visage épanoui de jeune fille.

Morand est passé maître dans cet habile jeu de prestige et de miroirs. Il se divertit à projeter sur ses personnages toutes les couleurs de son réflecteur. L'heureuse Clarisse ; Delphine en- gouffrée par Londres ; et la plus attendrissante des trois, Aurore, dont la charmante absurdité est le masque qu'a pris une vertu trop consciente de ses défaillances possibles, on ne les oubliera pas plus que l'ironie tour à tour apitoyée et sarcastique de leur montreur.

Un bien curieux montreur qui d'un mot, d'une image, fait tourbillonner devant nous toutes les trouvailles extrêmes, déli- cieusement odieuses ou stupides, de la civilisation, et dont Gérard de Ner\'al et Barbey eussent aimé le dandysme élégant et narquois.

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