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464 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

L'idée de patrie est un très complexe faisceau. Il n'y a pas seulement des champs, des intérêts, des cathédrales à protéger ; il y a aussi des qualités intellectuelles et morales, inévaluables, dont l'effacement progressif risque de demeu- rer inaperçu, puisque se perd avec elles le sentiment de leur valeur ; celles-ci sont en grand danger.

Je sens bien que ces considérations vous assassinent ; si vous préférez mon silence, vous le direz. Mais laissez-moi d'abord vous lire ces quelques lignes d'une lettre de Michel Arnauld :

« Ce qui m'effraie, c'est de voir à quel point les hautes activités de l'esprit sont à présent séparées. Tout ce que je regarde, tout ce que je lis, montre que le goût n'est pas en péril. L'art prospère ; il se met au rang des nouveaux riches ; il laisse la pensée du côté des vieux pauvres. S'il y eut un temps où le savoir et la logique abstraite gênaient le juge- ment intuitif, nous n'en sommes plus là, et le mal d'au- jourd'hui est pire. Ce qui demanderait rassemblement d'informations et enchaînement des conséquences, on en décide comme on ferait du choix d'un trait ou d'une valeur dans un tableau. On prétend penser comme on sent, et, sentant juste, on pense faux. Pour la patrie et pour la paix sociale, les votes d'un Congrès de Tours sont moins mena- çants que cette irréflexion des classes cultivées. »

J'hésite à vous envoyer ces pages ; car cette lettre répond bien peu, je m'en persuade, à ce que vous espériez de moi. Puissé-je, un autre jour, répondre mieux à votre attente. A cause de ce silence que j'ai si longtemps observé, il faut que je sorte d'abord ce qui d'abord se met en travers.

��excellent article « sur la démobilisation de l'intelligence » (N. R. F. du !«• janvier 1920) — article après lequel je ne trouve plus rien à dire.

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