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452 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

(à en juger par ce que nous lisons dans le journal) a besoin, en plus d'un chevalier tout doré pour promener sa cou- ronne, d'un autre serviteur, — un duc, je pense, — qui lui tienne son egg-nogg tout prêt. Je ne vois pas pourquoi il se priverait de services, puisque, dans la maison de son père, les domestiques abondent.

Assez causé ! Mon erreur est de proclamer une vérité trop évidente. Eh quoi ! en est-il un seul de ces gens qui se disent incrédules, de vos gens intelligents, qui n'a pas rêvé son rêve, rencontré sa coïncidence, bronché sur un fait qu'il ne peut expliquer, que (vous dira-t-il en souriant) il est trop philosophe pour considérer comme surnaturel, en vérité, — qu'il nommera donc une énigme, un problème, et dont il sera fier ? Il vous recommandera toutefois de ne pas cesser d'être sur vos gardes, parce qu'un fait, vous savez, ça ne suffit pas à bâtir un système ni à prouver que ceci est une fuite occa- sionnelle d'esprit sous la matière. Voilà le genre ! De même que les peaux-rouges sauvages ont recueilli, morceau par morceau, le fait en Californie, je veux dire le belorgisant sous le gravier, l'ont amassé, mais jamais n'ont bâti de sys- tèmes et n'ont creusé le sol, de même que les hommes rai- sonnables présentent dans le creux de chacune de leurs paumes une poignée d'expérience, un fait étincelant qu'ils ne peuvent expliquer ; et, parce que tout le reste de leur vie est explicable, « qu'est-ce que ça prouve ? » disent-ils. Au lieu que moi, je saisis le fait, la parcelle d'or, et je rejette le sale résidu de vie ; j'ajoute cette parcelle à la par- celle que chacun des cent mille imbéciles de philosophes du même genre a découverte, — cela jusqu'au moment où je vois l'or, tout or, rien que de l'or : vérité sans conteste bien qu'inexplicable ; et voilà le miraculeux qui apparaît banal ! Les autres imbéciles croyaient à la boue, et ne reconnaissaient pas l'or qu'ils voyaient : était-ce si étrange ? Tous les hommes naissent-ils capables de jouer les fugues de violon de Bach, de terminer l'assaut avec le fleuret en quarte, de sauter leur hauteur, de découper le gigot avec

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