444 LA NOUVELLE REVUE FRAKÇALSE
plus grande importance, ce que vous appelez les pertes et les gains sérieux de ma vie. Que sais-je de votre monde et que m'importe ? Qu'il soit ou paraisse être, je m'en bats l'œil ! Ce qui m'importe, c'est moi-même ; moi-même, je suis l'entière et seule réalité au sein d'une foire, d'un marché public qui se presse alentour : les choses n'ont pas d'autre usage. Il est facile de dire qu'elles servent de vastes desseins pour le plus grand profit de leurs illustres indivi- dualités ; que ce soit vrai ou faux, ça m'est égal : toute chose peut avoir deux usages. Qu'est-ce qu'une étoile ? Un monde, ou le soleil d'un monde : mais ne sert-elle pas aussi de chandelle, d'horloge, de baromètre et d'almanach ? Les étoiles ne sont-elles pas mises là comme signes qu'il faut tondre nos moutons, semer le blé, émonder les arbres ? — La Bible le dit.
Eh bien ! j'ajoute un usage de plus à tous les usages reconnus, et je vous déclare que si j'aperçois la Grande Ourse aujourd'hui à minuit, elle me donne l'avertissement suivant: « Sludge ! va, sans perdre un jour de plus, te faire couper les cheveux ! » — Vous riez ? Pourquoi donc ? Cet avertissement donnerait-il trop de peine à Dieu ? Non ; mais Sludge paraît bien petit pour une telle faveur : Merci, Monsieur ! C'est là votre avis, ce n'est pas celui de Sludge. Vous et vos gens vertueux, vous vous ébahissez bien devant la Providence, vous allez bien chercher dans l'histoire pour nous y faire remarquer non seulement les complots-des-poudres déjoués, les couronnes maintenues sur les têtes des rois de façon suffisamment miraculeuse, mais aussi les grâces particulières ! ...Oh ! Monsieur ! vous m'avez parlé d'inventions de ce genre ! Vous m'avez raconté comment vous-même, certain jour mémorable, ne trouvant pas votre mouchoir, — juste au moment où vous veniez de sortir, vous savez ! — vous étiez rentré le prendre, aviez manqué le train, et, de ce fait, sauvé votre précieuse per- sonne du sort subi par les trente-trois autres que la Provi- dence avait oubliées. Vous me racontez ça, et vous me
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