Page:NRF 16.djvu/445

Cette page n’a pas encore été corrigée

MONSIEUR SLUDGE, LE MEDIUM 439

Ces gens sont des imbéciles, oui ; mais que dire de ceux de l'autre camp qui, dans le fond de leur cœur, n'ont jamais cru un seul instant ? Hommes émasculés, vides de foi, qui ont joué avec la superstition à la manière des eunu- ques, sans rien risquer ; gens de sang-froid qui, voyant le profit à tirer du mystère, ont saisi l'occasion et soutenu Sludge... En prosélytes ? Non, grand merci, bien trop malins !... Mais en prometteurs d'impartialité, en partisans du demandeur, en hommes que leur bonne foi oblige à hisser Sludge jusqu'à l'Aréopage et à lui soutirer des dis- cours dont ils puissent s'emparer pour faire le critique et le cafard. Athènes ne traita-t-elle pas ainsi saint Paul ? ... En tout cas, il s'agit d' « une chose nouvelle », que la philoso- phie ne sait par quel bout prendre...

Et puis, il y a cet autre chercheur de perles dans les tas de fumier, — oui, votre homme de lettres qui enfile ses gants de Suède pour entreprendre Sludge avec élégance et discrétion, qui fait tomber un peu de la poussière de la doc- trine et en assaisonne (il connaît la recette) sa nouvelle ou son roman, qui croit à-demi, uniquement à cause de son livre, de l'œil du public fixé sur lui et de l'argent, seule chose solide que Dieu ait créée en ce monde ! Regardez-le. Essayez d'être trop hardi, trop grossier pour le maître ! Rien à faire ! Il est l'homme à qui plaît Tordure. Lancez-la à la pelle, éclaboussez-le en plein, il travaillera votre brun et en fera des beautés artistiques, n'ayez crainte ! Fournissez- lui la matière brute ; le jour où vous reconnaîtrez votre mensonge, vous lui tirerez votre chapeau : il sera en toilette, prêt à aller dans le monde ! Je dis « dans le monde », car c'est là qu'on goûte le succès : tous auront les égards qui conviennent, nommeront le mensonge vérité, sauf ce Monsieur silencieux, minaudier et doux qui a introduit l'étranger ; vous ne manquerez pas de soupirer : « Cmime c'est triste ! lui seul est incapable de saisir la portée de cette vérité à laquelle il a lui-nicme dcnné naissance I » Voilà qui a la vraie saveur du triomphe ! Cet homme-là verrait volon-

�� �