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426 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

notre proue ! Les expériences valent à présent la peine qu'on les attende. Les esprits parlent sans crainte, révèlent le fond de leur pensée et font au médium d'honnêtes compliments : ils s'intéressent à son habit du dimanche, se plaisent à voir des bagues à ses doigts, — Demandez-vous comment vous accueilleriez toute une série de fêtes pareil- les ! Prenez le cheval le plus doux, mettez-le à l'écurie et bourrez-le d'avoine, un mois durant, puis menez-le par un beau matin d'avril au milieu de ses compagnons, en lui laissant le champ libre. Oui ou non, va-t-il caracoler, faire des écarts et des sauts de mouton ? A plus forte raison, un jeune homme dont les fantaisies jaillissent avec autant de vigueur que des champignons d'une couche à melons. Bientôt on en arrive à ceci : « Allons l'Esprit, maraud ! viens ! va ! cherche ! rapporte ! lis ! écris ! frappe ! rata- plan, et va te faire pendre ! »

Je suis débarrassé de tout souci ; tout est réglé ; votre cercle fait mes affaires ; je puis divaguer à la façon du derviche épileptique dont on parle dans les livres, écumer^ me jeter à plat ventre, mettre mes vêtements en lambeaux, peu importe : mes admirateurs, amis et compatriotes for- muleront des lois spirituelles, trouveront un sens juste à des choses fausses par la loi des contraires. Si François Verulam se présente comme Bacon, s'il va jusqu'à écrire son nom avec un y ou un k ', s'il dit qu'il a vu le jour à York et qu'il a rendu l'âme dans le pays de Galles sous le règne de Cromwell (comme je crains bien, Monsieur, qu'il l'ait pu dire avant que j'eusse trouvé le livre utilement ren- seigné) eh bien ! quel mal à cela ? Le cercle sourit aussi- tôt ; « Après tout, dit-on, vous voye\^, ce n'était pas Bacon ! Nous comprenons : le tour n'a rien que de naturel. L'indivi- dualité de tels esprits est difficile à mettre en évidence. Elles ont une tendame à se moquer , à railler, ces espèces mal évoluées.

I . François Bacon, baron Verulam (i 561-1626), le célèbre philosophe et homme d'Etat. La prononciation de son nom avec l'accent améri- cain peut être figurée en anglais par l'orthographe Bykon.

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