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nait gain sur eux en leur versant la bière et surtout le genièvre, car les briquetiers ayant à domicile la boisson du repas prenaient au débit l'alcool boisson d'agrément. Le contre-maître verseur de liqueur détestait les hommes sobres qui lui laissaient peu en main, quand il leur réglait les acomptes de quinzaine donnés en attendant le calcul du total des briques moulées. La tactique du contre-maître pour obliger à boire est de ne payer que le samedi soir, à 9 heures ou 10 heures, les hommes assis chez lui depuis la fin de journée : 7 heures.
M. Locquart avait cependant une fois trouvé un contre- maître belge rebelle à une si habile organisation. Cet homme au visage taché de rousseur tenait la cantine de la briqueterie du marais de Wawrin :
— J'aimerais mieux, dit-il au brasseur, mille francs de plus par an pour être sur l'ouvrage que de tenir la cantine. Marche pas si vite, sais-tu, je te dirai quoi : il faut se tra- casser pour gagner des sous. Quand la femme est canti- nière elle doit rester le dimanche pour faire à manger aux pensionnaires. On ne peut jamais sortir, on ne gagne rien sur la nourriture, il faut saouler les hommes. Quand ils sont pleins ils gueulent. C'est des ruses tout çà.
M. Locquart avait méprisé ce discoureur qui voulait abo- lir sur son chantier la dîme du genièvre, car, disait le bras- seur : « s'ils ne boivent pas chez moi, ils boiront chez les autres. »
Son ambition était de débiter dans l'année plus de ron- delles de bière et de pipes d'alcool que son concurrent Saelens. Abreuveur de multitudes il savait la xjualité de gosier de chaque corporation : les verriers qui suent abon- damment ; les fileurs de lin au sec, avaleurs de poussières, et les fileurs au mouillé, avaleurs de buée. Il connaissait très bien son métier.
Aux ouvriers de plein air une bière douce suffisait et le genièvre à 40 degrés, aux ouvriers des industries à poussières et à haute température il fallait de la bière mor-
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