NOTES 377
MARTIN EDEN, par Jack London (Edition Française Illustrée).
C'est une figure assez curieuse que celle de Jack London qui fut dans le sens le moins populaire du mot un aventurier possédant tous les goûts de ceux qui firent les délices des romantiques, la sensibilité toutefois l'emportant sur la passion. Depuis quelques années les œuvres de Jack London semblent connaître la faveur du public. Elles offrent d'ailleurs un intérêt inégal, car cet écrivain donna aux magazines de nombreuses nouvelles qui réunies en volumes n'apportent aucun élément de qualité dans notre langue. Les meilleurs livres de Jack London traduits en français sont : Vamour de la Vie, l'Appel de la Forêt, qui trouva par la suite bien des imitateurs de l'autre côté de l'Atlantique et cette histoire monotone, tragique et mélanco- lique de Martin Eden qui représente Jack London sous un des aspects qu'il connaissait le mieux. Dans ce roman qui est peut-être une autobiographie, l'esprit d'aventures du matelot Martin Eden se replie au contact d'une fille de la bourgeoisie. Cette fille est elle-même une curieuse figure sotiale. C'est le « rocher mou » où les forces du jeune homme viennent se briser. Il connaît cependant l'art de soigner ses attitudes et quelques paragraphes essentiels des bons manuels de civilité. La lutte de cet homme pour conquérir la gloire littéraire est un enseignement ; je ne le conseille toutefois qu'aux apprentis écrivains doués d'une force physique les mettant à l'abri des surprises. Les livres émouvants pris à la lettre, et en particulier les livres d'action ne valent rien au point de vue didactique. Martin Eden finit par connaître la fortune et la considération des éditeurs. Sa première joie, qui est commune à beaucoup de débutants, est de surprendre la stupéfaction de sa famille ; puis sa joie s'apaise, il demeure seul en présence de celle qu'il aimait. 11 la retrouve, et mieux armé par les propres armes qu'elle lui adonnées il s'aperçoit de la petitesse d'esprit de cette jolie bourgeoise. Il en résulte une immense déperdition de forces, et Martin Eden se supprime à bord d'un paquebot qui l'emmenait n'importe où.
Cette fin mélancolique, si elle n'est pas conforme aux besoins du roman, n'en demeure pas moins explicable. C'est le besoin
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