Page:NRF 16.djvu/382

Cette page n’a pas encore été corrigée

37^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Botircrmeslre de Sliîmonde n'appartient que bien peu à ce que l'on appelle la « littérature ». C'est une œuvre de guerre, une œuvre de combat, ne disons pas une pièce écrite a en service com- mandé », mais enfin le travail d'un esprit mobilisé, qui prend soin, sous l'uniforme, de ne pas laisser paraître ses caprices personnels. Le drame pose avec honnêteté un de ces cas de conscience, terribles et sans complication, tels que la guerre en a tant fait naître et qu'un brave homme résout en acceptant de mourir, pour ne pas faire mourir d'autres à sa place. Ces trois actes auraient pu être signés de Sardou aussi bien que de Maeterlinck, et c'est en quoi précisément (ceci soit dit sans aucune ironie) réside leur mérite : l'etfacement de l'homme de lettres, à l'heure où il ne devait plus y avoir que des citoyens dressés contre l'ennemi.

Le Miracle de Saint Antoine est une petite œuvre charmante et qui pourra longtemps continuer à plaire. Peut-être M. Maeter- linck n'y attache-t-il pas lui-même plus d'importance qu'à un délassement entre deux grands ouvrages, mais ce délassement nous amuse et nous touche. Les mésaventures du pauvre Saint Antoine, revenu sur terre pour ressusciter une vieille demoiselle, houspillé par tout le monde, par les héritiers, les domestiques et par la ressusciîée elle-même, ce conte où se mêlent le bon sens, la farce et une pointe de poésie mystique, est dans la meilleure tradition flamande. Il diffère du Pendu dépendu d'Henri Ghéon, dont il est par ailleurs si proche, en ceci qu'il s'adresse à un public plus large. Rien n'était divertissant comme d'observer l'auditoire, fort populaire en ce théâtre de la périphérie, l'in- quiétude de quelques spectateurs quand l'auréole du saint se mit A luire, et leur rapide apprivoisement dès qu'ils comprirent qu'on pouvait ne point prendre au tragique ces aventures surnatu- relles. Quelques esprits forts ne furent tout à fait rassurés que lorsqu'un fantoche de médecin eut déclaré : Puisque M""^ Hor- tense parle de nouveau, c'est qu'auparavent elle n'était pas vraiment morte — et ils applaudirent avec vigueur. Mais, dans l'ensemble, c'était plaisir que de voir comme le bon peuple de Paris entre aisément dans un jeu d'esprit aussi subtil, comme il a vite fait d'en saisir l'ironie et, sans bien s'en rendre compte, la poésie délicate. jean schi.umberger

�� �