Page:NRF 16.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 3 69

jusqu'ici. C'est, en forme de conte, la méditation âpre et coura- geuse d'un bourgeois révolutionnaire, ballotté entre le scepti- cisme jouisseur et nihiliste du milieu où il vit et la fidélité à son idéal, se comprenant tour à tour comme le centre de l'univers et comme le rouage conscient et douloureux d'une société inique.

Le voici comblé par ce qu'il appelle l'amour : a Les jours qui suivirent, Pijallet ne souffrit pas de son époque, il ne souffrit pas des erreurs collectives, de la bêtise des hommes ou de leur duplicité. Sur la scène du monde, il improvisait une scène magnifique dont il était avec M"= Bussière l'unique acteur. Et le reste des hommes n'était que figuration. Ils allaient, elle et lui, dans une belle lumière. Les foules ondulaient à l'arrière-plan. Et ses amis n'étaient que des comparses, pour des scènes de r^pit et la commodité des répliques. »

Le voici à présent en proie à la douleur sociale, (découragé ou rebuté par les solutions dont Clavtl soldat et Léon Werth, collaborateur du Journal du Peuple, se satisfaisaient pendant la guerre) hésitant et amer au bord du bolchevisme : « Il n'y a pas de beauté dans la promiscuité. C'est une mollesse, un emputas- sement. La civilisation, ce n'est rien qu'un choix entre de petites nuances d'hommes, c'est la valeur qu'on accorde à des impondérables. La beauté du barbare, c'est une blague littéraire, comme la.vertu est une blague morale. Mais il faut choisir avec puissance les idées qu'on aime et les hommes par lesquels on se laisse toucher, »

Ou encore formulant cet acte de foi individualiste quand même : « Pijallet n'était pas de ces imbéciles qui déduisent le monde sur un principe et se mettent ainsi la cervelle en paix. S'il imaginait une transformation de la société, il fallait qu'il se représentât la modification qu'elle apportait à la vie des indi- vidus. »

Tel est le drame. S'il perd beaucoup de son eflkacité à ne pas quitter le plan cérébral, où M. Léon Werth (qui est un bon chroniqueur et un bon critique des mœurs, mais n'est pas un romancier), l'a maintenu, et à se diluer en trop d'épisodes d'inégale signification, il n'en est pas moins robustement exposé et traité avec une loyauté par instant très émouvante et toujours rsympathique.

24

�� �