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368 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

près du peuple. De sorte que ce livre, composé par un « rat de bibliothèque » est le plus vrai peut-être qui soit sorti de la tran- chée. Du point de vue de « l'humaniste » qui voit de haut, l'en- nemi (qu'il déteste) est moins détestable, l'horreur et l'enthousias- me se balancent et même, en fin de compte, la bonne humeur sait surmonter le désespoir. Il faut dire que cet humaniste est chrétien, chrétien encore tout plein de doutes, mais chrétien, et quand Homère ne lui suffit pas, il appelle le saint roi David à la rescousse. — Je donnerai deux citations. « Penses-tu que cela les gêne, les alouettes ?(il s'agit d'un bombardement). Elles sont des centaines à tournoyer dans ce soK^il pâlot qui ne chautTe guère les doigts et quand nous nous jetons pêle-mêle au fond du déblai, pour laisser passer un gros obus qui s'en va crever en hurlant de fureur, en deçà de nos lignes, quand les outils ces- sent de tinter et le cœur de battre, je les entends encore qui grisolent à perdre haleine. Et les troupiers, crois-tu que cela aussi les empêche de plaisanter ? » Voilà la note juste. Et maintenant cette belle prière : « \'ous êtes mon attente. Seigneur. \'ous êtes l'espérance de ceux qui n'ont plus rien à espérer. L'homme tien- drait à déshonneur d'être ainsi aimé le dernier et faute de mieux. Mais c'est votre gloire éternelle de recueillir les coeurs aban- donnés et les restes de la vanité. » \'oilà les paroles d'un homme, qui ne compose pas sa figure.

HENRI GHÉON

» »

YVONNE ET PIJALLET, par Don Werth (Albin- Michel).

Les documents littéraires sur l'évolution morale des individus au cours de la guerre abondent depuis M. Britling commence à voir clair jusqu'à Clérambault, sans oublier tout ce qu'on peut glaner dans les livres de combattants, ni un assez médiocre ouvrage en deux tomes de M. Léon Werth lui-même: Clavel soldat et Clavel che\ les Majors. Nous avons également toute une série de romans et de pièces de théâtre sur les répercussions économiques et sociales de la guerre, avec nouveaux-riches, nouveaux-pauvres, mariages bi-nationaux, etc., mais sur le désarroi intellectuel et moral de l'après-guerre, Yvonne et Pijallct est la première étude un peu poussée qu'on nous ait offerte

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