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pas un peintre qui soit resté insensible aux qualités techniques de ce tableau. On vit même un vieillard célèbre par son humeur maussade, son esprit de dénigrement, et sa haine pour tout ce qui n'est pas Whistlcr ou Degas ; on vit ce peintre agressif s'attendrir et même courir — une heure trop tard — au bureau de vente.

La place me manque pour dignement célébrer la maîtrise de Maria Blanchard, le seul peintre de talent qui, après dix ans d'un travail forcené, avait, hier encore, le magnifique et rare honneur d'être dans la misère. Il me suffira d'indiquer aujour- d'hui que toutes les tonalités nacrées des impressionnistes sont utilisées par elle avec une science du dessin et une subtilité de touche dignes d'un primitif. '

Il convient de placera côté de Maria Blanchard le sculpteur Jacques Lipchitz, son égal au point de vue du talent, son compagnon dans l'incompréhension du public. Son œuvre est trop profonde, elle décèle trop de savoir, elle est trop orga- nisée pour séduire la foule des amateurs et des critiques. Le (< qu'est-ce que ça représente ? » est répété ici quotidiennement, et il ne vient à l'idée de personne (je devrais dire à la sensibilité de personne) que ces pierres sculptées n'ont à représenter que la cristallisation de la pensée poétique de l'artiste — laquelle pensée ne peut naître, soudaine ou lente, qu'au contact ou au souvenir d'une émotion de Nature. Le sculpteur n'a que faire de gestes ou de dentelles qui brisent anecdotiquement la lumière. II ne veut retenir du spectacle humain que des attitudes repo- sées, qui lui sont révélées par des éclairages plus ou moins intenses, et par des ombres plus ou moins denses. Une fois dans son atelier, il tâche à recréer ces architectures vivantes à l'aide de plans nets, groupés de façon à accueillir la lumière ou à s'y dérober selon une progression calculée. Il ne peut pas y avoir superposition de la réalité fluide et de l'oeuvre solide ; demandons seulement au sculpteur d'établir, entre la nature et nous, un système de correspondances, si tyrannique soit-il, qui nous puisse faire goûter l'émotion purement plastique qui

I. La « communiante » de Maria Blanchard date de 191 2 el est ina- chevée. J'ai vil chez Paul Rosenberg une toile récente représentant deux jeunes filles d'une beauté et d'une réussite indiscutables.

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