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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 347

l'école et la vie : celles de la différence et de l'opposition des âges. Tout ce qui incorpore davantage l'histoire à la psycho- logie de la nature humaine doit être tenu pour une vérité et un bien. Il est difficile, mais singulièrement utile, de se concevoir soi-même dans la psychologie de son âge, de comprendre qu'aucune génération^ aucun âge ne possède les normes néces- saires pour juger les autres générations, de savoir prendre sa place, à son rang et à son grade, dans l'humanité, l'histoire ou la nation en marche. Si l'étude du passé peut nous conduire à cette habitude et à cette idée, elle aura rendu un précieux ser- vice. Et s'il est difficile ou impossible de discerner les générations historiques, il faut comprendre cette difficulté ou cette impossibilité comme incorporée à la réalité sociale, de même que les mystères sont incorporés à la religion. « L'en- chaînement des générations humaines, dit M. Mentré, qui est le plus grand obstacle à leur discernement, assure à la fois leur continuité sociale et la régularité du progrès. La réalité sociale humaine est une réalité oià tous les âges sont mêlés, agissent et réagissent l'un sur l'autre. » La différence des âges est donnée dans l'étoffe sociale comme la différence des sexes et la diffé- rence des peuples.

S'il est difficile de discerner les générations humaines, c'est que la vie sociale appartient;! l'ordre de la durée et du continu. C'est dans la plénitude de cette durée et de ce continu qu'il fau- drait se placer pour avoir une vue claire et profonde du pro- blème, et M. Mentré nous prévient que sa tournure d'esprit le rend inhabile à cette méthode. Mais on peut encore, d'une posi- tion moins centrale, arriver à ces vues de détail et à ces clartés partielles qui abondent dans son livre.

Cet enchevêtrement des générations n'est pas tel qu'il n'abou- tisse à un certain ordre. Des ingénieuses réflexions de Ferrari, de Lorenz et de M. Mentré on pourrait tirer une formule qui fonderait la réalité du « siècle » et qui s'exprimerait à peu près ainsi : Le siècle, unité de durée vivante, se définit comme l'es- pace de temps couvert parla réalité sociale de l'homme normal. Il ne s'agit nullement de réalité physique, et il faut laisser à des maniaques de la longévité des affirmations comme celle-ci : La nature a fait l'homme pour être centenaire, et s'il ne le devient pas c'est qu'il se tue auparavant (ou qu'il ne prend ni les pilules

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