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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE

L'IDÉE DE GÉNÉRATION

On ne saurait contester au livre de M. Mentré sur les Géru- rations Sociales le double mérite de l'opportunité et de l'utilité. Il semble, à voir l'emploi extrêmement fréquent du terme de génération, à entendre les uns et les autres, les jeunes et les vieux, parler de l'esprit ou de la sensibilité ou de la volonté de leur génération, que le terme de génération soit clair, et que la génération puisse passer pour une véritable mesure de la durée sociale. Or il n'en est rien. On ne saurait admettre que chaque année produise sa génération originale et bien tranchée. Mais alors sur combien d'années répartir le laps de temps nécessaire pour constituer une génération ? Et comment séparer la pre- mière année de cette époque et la dernière année de l'époque précédente ? L'argument du chauve ou du tas de sable joue ici, semble-t-il, légitimement. Plus précisément la difficulté consiste à passer d'une idée claire à une idée obscure. L'idée claire est celle de génération familiale, la génération faisant dans la suite d'une famille l'unité naturelle et évidente en laquelle cette famille se décompose. L'idée obscure, c'est l'idée de génération sociale, ou de génération historique, parce que, même en limi- tant à trente ans, de vingt-cinq à cinquante-cinq ans la durée de la vie active et productive, les adultes actifs et productifs qui vivent ensemble appartiennent à des époques différentes et se renouvellent incessamment, sans qu'on voie jamais expressé- ment rien commencer ni rien finir.

Mais cette absence d'un commencement et d'une fin marqués, cet écoulement régulier et cette gradation insensible, ce sont des caractères de la vie. Tout problème du vivant est un problème

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