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330 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

eux, j'eus encore la force de monter seul à l'échelle, je ne voulais pas être attaché ; mais qu'elle me sembla haute, cette échelle ! Je pensais que je montais au ciel ; ce qui était vrai du reste, car pour nous c'était bien le ciel que nous allions trouver, après toutes les tortures de l'enfer.

Il était temps que j'arrive au dernier échelon ; la tète commençait à me tourner, mais je me sentis saisir par des bras vigoureux qui me mirent sur le pont. Trois échelons de plus, je n'aurais pu les grimper. Quand je fus sur le pont, les jambes me manquèrent complètement ; on me fit asseoir un instant sur l'hiloire d'un panneau qui se trouvait en face, et après m'avoir laissé souffler, ainsi qu'Hébert et Savona, on me fit descendre dans une cabine, en me sou- tenant sous les bras, car il m'eût été impossible désormais de faire un pas tout seul (mes forces étant complètement épuisées par l'émotion du sauvetage).

J'avais laissé Mariani dans le canot, sans m'en occuper, sachant qu'il était dans de bonnes mains. Ce fut, paraît-il, tout un travail de le mettre à bord. D'abord, il ne voulait pas monter sur le Maroa, disant que ce n'était pas son navire, et qu'il attendait son capitaine qui était allé déjeu- ner à bord et qui allait revenir. On voulut alors l'amarrer pour le hisser, mais il trouva assez de forces dans sa folie pour se débattre tellement qu'il fallut encore renoncer à ce moyen. On se contenta donc simplement de l'amener avec la baleinière et quand celle-ci fut montée à la hauteur de la lisse, on l'empoigna et on le mit sur le pont. Ce ne fut pas sans qu'il se débattît encore, mais faiblement, car il n'en pouvait plus.

Quand nous fûmes tous montés et installés dans des cabines, on commença par nous donner des vêtements secs^ que nous endossâmes avec joie, puis on nous prépara un grog léger, que nous absorbâmes avec plus de joie encore, et on nous fit coucher. Il n'y eut pas besoin de nous bercer pour faire venir le sommeil. Pour ma part, il n'y avait pas dix minutes que j'étais dans ma couchette que je dormais

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