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314 LA MOUVELLE REVUE FRANÇAISE

nant Hébert, dis-je, qui était à 1 avant pour veiller et aper- cevoir plus facilement soit les navires qui auraient pu se trouver dans notre rayon visuel, soit la terre que nous pen- sions toujours apercevoir à chaque instant, s'écria que l'on apercevait un navire un peu par abord. La voile me mas- quant la vue, je ne pouvais l'apercevoir de l'arrière du canot où je tenais l'aviron gouvernail ; je fis alors une embardée sur bâbord et j'aperçus à l'avant la mâture d'un navire dont la coque apparaissait quand il montait sur la lame. Je me rendis compte immédiatement que ce navire nous coupait la route presque à angle droit allant au Nord ; je revins de suite sur tribord de manière à gouverner pour lui couper la route le plus Nord possible, tout en faisant bien porter la voile pour conserver une vitesse suffisante et pour passer le plus près possible de notre but. Au bout de 20 minutes environ, pendant lesquelles j'avais fait pré- parer des signaux de détresse : deux mouchoirs amarrés bout à bout au haut d'une gaffe assez longue, nous avions beaucoup approché du navire, dont on distinguait toujours la coque qui maintenant ne disparaissait plus dans le creux de la houle. J'estimai alors que nous en étions au maxi- mum à deux milles et à cette distance, il pouvait très bien nous apercevoir. Comme il avait aussi une bonne vitesse (on le voyait droit devant nous et nous nous trouvions à peu près par son travers), il nous avait gagné rapidement et, croisant notre route, il allait s'éloigner. Depuis un bon moment déjà nous agitions notre signal de détresse avec toute l'énergie que donne le désespoir, mais nos yeux bra- qués sans cesse avec anxiété sur le navire, qui devait être notre salut, le virent s'éloigner lentement et majestueu- sement, sans nous faire le plus petit signe indiquant qu'il nous avait aperçus. Nous a-t-il vus ? Je ne pourrais le cer- tifier ; mais j'aflirme qu'il aurait pu nous voir si la surveil- lance de l'horizon avait été bien faite sur la passerelle par les hommes de vigie et par l'officier de quart lui-même. Tous les marins savent qu'à la mer on aperçoit un

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