Page:NRF 16.djvu/266

Cette page n’a pas encore été corrigée

iCo LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qui les tempéraient de leur musique ; de ces opérations si exactes, de ces progrès à la fois si mystérieux et si clairs ? Quelle confusion tout d'abord, qui sembla se fondre dans l'ordre ! Quelle solidité, quelle rigueur naquirent entre ces fils qui donnaient les aplombs, et le long de ces frêles cordeaux tendus pour être affleurés par la croissance des lits de briques !

SocRATE. — Je garde ce beau souvenir. O matériaux ! Belles pierres !.. O trop légers que nous sommes devenus !

Phèdre. — Et de ce temple hors les murs, auprès de l'autel de Borée, te souvient-il ?

SocRATE. — Celui d'Artémis la Chasseresse ?

Phèdre. — Celui-là même. Un jour, nous avons été par là. Nous avons discouru de la Beauté...

SocRATE. — Hélas !

Phèdre. — J'étais lié d'amitié avec celui qui a construit ce temple. Il était de Mégare et s'appelait Eupalinos. Il me parlait volontiers de son art, de tous les soins et de toutes les connaissances qu'il demande ; il me faisait comprendre tout ce que je voyais avec lui sur le chantier. Je voyais surtout son étonnant esprit. Je lui trouvais la puissance d'Orphée, Il prédisait leur avenir monumental aux informes amas de pierres et de poutres qui gisaient autour de nous, et ces matériaux, à sa voix, semblaient voués à la place unique où les destins favorables à la déesse les auraient assignés. Quelle merveille que ses discours aux ouvriers ! Il n'y demeurait nulle trace de ses difficiles méditations de la nuit. Il ne leur donnait que des ordres et des nombres.

SocRATE. — C'est la manière même de Dieu.

Phèdre. — Ses discours et leurs actes s'ajustaient si heureusement qu'on eût dit que ces hommes n'étaient que ses membres. Tu ne saurais croire, Socrate, quelle joie c'était pour mon âme de connaître une chose si bien réglée. Je ne sépare plus l'idée d'un temple de celle de son édifi- cation. En voyant un, je vois une action admirable, plus

�� �