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NOTES 235

son sujet, il nous faut chercher le mystère (qui après tout se trouve quelque part) dans des régions plus profondes. Mais M. de La Mare, lui, ne paraît pas du tout sûr qu'il détierme en effet la science de ce qui compose les larmes ; ou plutôt la question ne l'intéresse pas le moins du monde, car des larmes continuent à être répandues, et nous avons encore des rêves et nous tressaillons toujours dans l'obscurité, et dans ces expériences, sans préjuger de ce qui peut se trouver au fond d'elles, il semble à M. de La Mare qu'il y a encore matière à poésie. Pour lui, en tout cas, il v en ^ ; un siècle après William Blake, il écrit des poèmes qu'on ne peut comparer qu'aux Songs of Innocence de ce dernier.

Il se peut que je communique ici une impression inexacte. Pas plus que celle de Blake, l'imagination de M. de La Mare n'est une imagination larmoyante et timorée. Animula vagula hîandula, il l'est peut-être, mais il ne choie ni ne dorlotte sa sensibilité, et les passions plus profondes, les spéculations plus hardies ne l'effraient pas. Je veux dire tout simplement que son tour d'esprit est essentiellement lyrique et que les pensées et les émotions qui l'attirent sont de celles qui trou- vent leur vraie expression dans la musique des mots. Au point où la poésie commence à penser d'une façon construc- tive ou à créer d'une manière dramatique, il s'arrête. Non que dans cette région, il n'y ait plus de musique, mais la musique n'est alors qu'un ornement, un bel accompagnement, tandis que dans le domaine lyrique, elle est absolument tout. Et même, dans ce domaine, ce qui captive surtout M. de La Mare, ce sont les tressaillements les plus subtils de l'imagination,. les moins mesurables, les plus impossibles à décrire ; de ceux qui se révèlent dans une allusion ou une luetur, et qui sont détruits dès l'instant où on cherche à leur donner du relief et à s'appesantir sur eux. Beaucoup de ces poèmes sont des échos de l'enfance. Tout le monde sait comme à certains m.oments, si l'on ressaisit un fil auquel on ne songeait plus, avec une rapidité soudaine, toute la sensation de l'enfance • — • plus qu'une image visuelle : le vrai troucher et la saveur du passé — est recouvrée ; c'est de tels moments que ces poèmes sont faits. Ils sont tendres et pleins d'humour, ils sont roma- nesques et mystérieux ; parfois ils sont franchement fantasques

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