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234 L'^ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

variés de poètes tels que M. SturgeMoore, Sir Henry Newbolt, M. Laurence Binyon, M. W. B. Yeals ; et nous n'ignorons pas non plus — pour en arriver là oii je voulais en venir — les qualités rares et particulières de la poésie de M. Walter de La Mare. Personne ne garde de doute en ce qui le concerne. Son œuvre poétique n'est ni longue ni bruyante, mais elle a vécu avec nous bon nombre d'années et nous sommes sûrs de ce qu'elle vaut.

M. de La Mare vient de réunir en deux volumes tous les vers qu'il a écrits à des époques ditiérentes pendant les vingt dernières années (son premier livre parut en 1901). C'est la raison pour laquelle je vous entretiens aujourd'hui de lui, car l'instant est propice pour résumer nos impressions sur son talent. M. de La Mare est un critique aussi bien qu'un poète, et il a écrit un roman remarquable : le Retour, mais je ne veux en ce moment parler que de sa poésie. Et celle-ci est, de l'avis général, une poésie qui, dans la littérature de nos jours, occupe une place tout à fait à part. 11 a un don, qui en dépit des flots d'ondes sonores dont nous sommes sub- mergés, n'est pas du tout répandu : le don de la musique lyrique. M. Yeats l'a aussi, avec un plus beau sens du style ; mais l'imagination de M. Yeats n'est pas aussi purement lyrique, et son œuvre la plus caractéristique se rencontre dans ses drames d'une inspiration toute romanesque et chimérique. La phrase qui est vraiment chantante demeure spécialement le privilège de M. de La Mare. Et il a également le don d'une sorte de magie capricieuse et féerique, que ne semble certes pas favoriser l'époque dans laquelle nous vivons. Aujourd'hui, où tout le tnonde est psychologue par définition, et où les secrets timidement blottis dans l'esprit ont cessé d'être des secrets, mais sont repérés, étiquetés et promulgués, il est très rare de rencontrer un poète qui, comme M. de La Mare, éprouve encore un certain effroi respectueux, et comme une hésitation, en présence de sa propre imagination. Je songe au personnage de la Recherche de l'Absolu qui rappelle à sa femme en pleurs qu'il avait analysé les ingrédients chimiques des larmes. Aujourd'hui, la plupart d'entre nous lui ressem- blent. Nous ne pouvons plus considérer une larme avec le respect ingénu de Madame Claes — nous en savons trop à

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