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NOTES 233

exceptions près, n'ont cessé d'être attirés par l'esprit latin, de tendre vers le Sud, vers la Méditerranée ; il y a longtemps que les appels vers le Nord de la trompette de M. Rudyard Kipling ont cessé d'éveiller un écho sensible parmi eux. Et j'en conclus que si la complexion du talent de ce côté de la Manche paraît se résoudre en un singulier mélange de scep- ticisme et d'exubérance, de désillusion et de passion, de sang- froid dans la pensée et d'ardeur dans le tempérament, il ne doit pas en aller fort différemment chez vous.

Mais un critique assez âgé pour se rappeler le règne d'Edouard VII, un critique qui en fait, commença sous l'ère victorienne, à réfléchir sur la poésie, trouve plus de facilité à écrire sur ses contemporains que sur les Géorgiens, même avec l'appui de M. Marsh. D'abord la génération précédente a déjà passé par le crible du temps. Il y a vingt ans, les poètes foisonnaient presque aussi abondamment qu'aujourd'hui, mais parmi ceux qui étaient alors l'objet de notre admiration, il n'en est pas beaucoup qui fassent encore figure à présent. Cer- tains sont morts, d'autres ont cessé d'écrire ou tout au moins d'écrire comme il nous semblait alors qu'ils écrivaient. Je ne puis m'empêcher de dire que parmi toutes les formes de litté- rature, la poésie est celle qui est le moins accessible au juge- ment. Je lis un roman ou un essai, et mon opinion bondit à sa rencontre, 'je n'ai pas de difficulté à la découvrir, cette opinion, à en rendre compte ; quant à sa valeur, c'est là bien entendu, une autre question. Mais je lis un poème : il me frappe, je le trouve beau et intéressant et je n'ai d'opinion plus définie à son sujet, que cette impression ; et si j'essaye de critiquer le poème et de dire pourquoi je l'admire, j'en éprouve toutes les difficultés du monde. Je ne me hasarderais pas à faire cette confession, si je ne soupçonnais que mon expérience est par- tagée par beaucoup d'antres. La plupart d'entre nous commen- cent par sentir une certaine timidité, lorsqu'il s'agit d'exprimer un jugement immédiat sur un poème. Mais plus tard quand nous avons vécu quelque temps, pour ainsi dire dans l'intimité de ce poème, le doute se dissipe et nous y voyons clair. C'est ce qui s'est produit dans le cas des poètes pré-géorgiens, ceux dont les premiers vers remontent au commencement de ma génération. Nous connaissons aujourd'hui fort bien les mérites

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