Page:NRF 16.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

232 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

nous guider à travers le labyrinthe de nos poètes. De temps en temps, il publie un volume de « poésie géorgienne » — c'est à lui que fut dû ce nom à l'origine — et l'on y trouve un choix de poésies contemporaines qui semble extrêmement judicieux et représentatif. Ceux d'entre nous qui ne peuvent se livrer à des recherches personnelles, suivent volontiers les indications de M. Marsh, convaincus qu'ils sont que rien de ce qui possède un mérite saillant ne lui échappe, et qu'en étudiant sts volumes, ils pourront se former une idée exacte du cou- rant dans lequel se meuvent les jeunes talents.

Et ce mouvement général, quel est-il? Eh bien, je soupçonne que, dans l'ensemble, il ne diffère guère de celui que l'on peut observer chez les jeunes talents ailleurs, et plus particulière- ment en France. Depuis 1890 environ, lorsque la poésie de Verlaine et de Mallarmé — de ces deux-là surtout, à mon avis — commença à exercer une influence ici, ce fut comme une tradition pour nos poètes que de regarder constamment dans votre direction. Cette tendance assuma d'abord des formes naïves et peut-être un peu absurdes. On essaya de convertir en un quartier latin notre très anglaise Fleet Street, si prosaïque et si peu latine — un quartier de Londres que hantait un fantôme ressemblant aussi peu que possible à Murger : le fantôme du docteur Johnson. Mais cette affectation passa, et ceux qui vin- rent ensuite, ont appris à être plus naturels et ont compris que même si l'esprit d'une époque est cosmopolite, la forme dans laquelle cet esprit trouve une expression adéquate, doit être individuelle, et aussi individuelle que possible. Aujourd'hui, nos poètes sont bien d'aplomb, et personne ne pourrait les accuser d'imitation, si ce n'est peut-être de s'imiter de temps en temps les uns les autres. La vie anglaise, et plus particulière- ment la vie de la campagne anglaise (qui n'était pas du tout à la mode, il y a trente ans — je note en passant qu'à mesure que nos poètes deviennent plus sincères, Londres cesse de leur être une source d'inspiration) : tel est le refrain de leurs chants. Et il ne faut pas voir là seulement l'effet de l'exil, de la nos- talgie du pays provoquée chez beaucoup d'entre eux par la guerre, car c'était une tendance qui se dessinait nettement déjà bien avant 1914. 11 n'en est pas moins vrai que pendant toute la période dont je parle, nos jeunes littérateurs, à quelques rares

�� �