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2}U LA NOU\ELLE REVUE FRANÇAISE

et cela reste parfaitement vrai. Durant l'espace d'une généra- tion, il y a eu un oiseau dans chaque buisson, et un chœur de chants tel, que l'on n'en a vu que deux ou trois fois d'analogue dans notre littérature. Le plus célèbre de ces intermèdes musi- caux se produisit auxvi^ siècle, au temps d'Elisabeth, où presque tout le monde semblait avoir de la mélodie dans la voix. Il y avait alors des poètes à n'en plus finir, et parmi eux il en est dont les noms sont devenus immortels, tandis que d'autres plus nombreux n'ont pas laissé de nom du tout ; rien qu'un chant lyrique ou deux, qui font encore entendre dans nos antholo- gies, la fluide musique, qui leur est particulière. Ce fut la grande époque de la « poésie mineure », et de temps à autre on a vu renaître quelque chose de cette harmonie aux voix mul- tiples. Mais le xix^ siècle, pendant la plus grande partie de son cours, ne fut pas une époque de ce genre. Il y eut certains poètes éminents, et bien entendu de mauvais poètes en abon- dance, mais relativement peu de « poésies mineures ». Puis, à peu près vers 1890, cela reprit.

Le genre de poésie auquel je fais allusion, est cette poésie qui est bonne de son espèce, mais sans être pour cela l'œuvre d'un grand poète. J'imagine que chaque époque pourrait en offrir une assez riche moisson, si à chaque époque tout jeune talent rencontrait autour de lui, ses amis et ses voisins, tous adonnés à faire des vers. Je croirais volontiers qu'un jeune talent aurait toujours un volume de vers dans sa manche, si un volume de vers était attendu de lui, pour ainsi dire par défini- tion. Or, il se trouve qu'en ce moment, c'est le cas, ce l'était déjà il y a quelque temps, ce l'est plus que jamais depuis la guerre. De minces volumes de vers, élégamment imprimés et coûtant fort cher s'éditent journellement à la douzaine ; un grand nombre contiennent quelque chose d'intéressant, et peut-être la génération suivante découvrira-t-elle que deux ou trois d'entre eux sont effectivement l'œuvre de grands poètes. Aujourd'hui, nous n'en savons rien, à l'heure actuelle, tous relèvent de la « poésie mineure ».

A la tête, et investi d'une autorité universellement reconnue, nous trouvons le poète lauréat, M. Robert Bridges. Serait-il, lui par hasard, un grand poète ? Certains d'entre noua sont enclins à le penser, qui se demandent quel autre titre pourrait convenir

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