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NOTES 223

que n'a pas. à proprement parler, de style dramatique ? A lire tout récemment les réflexions de Gordon Craio; sur l'Art du Théâtre (éà. àç.\z Nouvelle Revue française^, on a pu constater combien d'idées, naguère lancées comme des défis par ce grand chercheur et accueillies comme d'irritants paradoxes, sont aujourd'hui passées dans le domaine commun. On les reconnaît à peine, dépouillées qu'elles sont de leurs outrances, démarquées au goût de ceux qui les ont appliquées et transportées, si l'on peut dire, de l'Apocalypse dans la vie réelle. Mais ce qui est certain, c'est que tous ceux qui font œuvre vivante au théâtre travaillent, bon gré mal gré, dans un sens analogue. L'accord s'est fait sur certains principes : simplification de la mise en scène matérielle, souci d'obtenir reff"et plastique avec un mini- mum de moyens, respect du texte mais aussi subordination de l'intérêt littéraire à l'intérêt dramatique, etc. Ce qui a manqué jusqu'ici, c'est une continuité des efforts et une multiplicité suf- fisante pour entraîner le public toujours docile aux mouvements collectifs. Mais la vitalité rajeunie du Théâtre de l'Œuvre, k succès du Vieux-Colombier et l'ouverture par Gémier d'une nouvelle scène semblent annoncer un fécond réveil.

Le premier spectacle donné à la Comédie Montaigne est d'une mise au point parfaite. Rien de tapageur. Les lieux sont évo- qués avec ingéniosité et goût, au moyen de quelques toiles, de lumières et-d'une ossature de décor fixe. Il y a là des trouvailles discrètes qui soutiennent tout naturellement un jeu de bon aloi. Gémier peut mettre en valeur ses meilleurs dons de comédien, son réalisme juste et sobre. D'ailleurs l'interprétation tout entière est excellente. Par ce qu'il présente, vers la fin surtout, de mélo- dramatique et de trop verbalement lyrique, le Simoun de M. Lenormand imposait au metteur en scène des notes un peu forcées ; mais là où l'action se meut dans le réel, là où elle est poétique par le dedans (comme dans ces scènes de la rue arabe qui coupent l'action à la manière d'un chœur antique), le spectacle avait de la simplicité et de la vie.

Cette première représentation révèle une entreprise décidée à faire son chemin tranquillement, progressivement, et il faudra bien que le public finisse par renoncer à l'absurde prévention qu'il a jusqu'ici montrée contre une des plus belles salles qui soient à Paris. jean schlumberger

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