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220 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

singulicrc. Presque tous ses romans sont des épisodes de sa vie sentimentale, et de ce qu'une femme répand de cette vie senti- mentale dans sa vie intellectuelle. Si nous mettons à part nos contemporaines, elle est bien la seule femme de lettres qui ne soit qu'une femme, car on n'en dirait pas autant de Madame de Staël et de George Eliot. M. Seillicre a analysé soigneusement son œuvre pour la montrer modelée ou déposée par le cours impétueux de cette nature féminine, et de cette merveilleuse puissance d'amour qui nous apparaît vraiment chez elle comme une force de la nature. En défiance contre le romantisme, il ne reporte point sur sa nature morale l'admiration excessive qu'il professe pour son œuvre littéraire. Il la juge avec une cons- cience d'homme et des principes d'homme, et les ironies qu'il lui adresse ne portent pas toujours. On souhaiterait non pas plus d'estime ni plus de mesure, mais plus de sympathie vivante. Tel qu'il est le livre restera un des plus utiles à consul- ter, après ceux de Madame Karénine, sur un écrivain dont l'œuvre ni le nom ne sauraient descendre dans l'oubli.

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��CHARLES BAUDELAIRE, par Goii:^ague de Reynold (Crès).

Il n'existait jusqu'ici touchant l'œuvre de Baudelaire d'autre étude d'ensemble que le beau livre d'artiste écrit par M. Camille Mauclair. M. Gonzague de Reynold inaugure aujourd'hui la Collection franco-suisse par un ouvrage considé- rable sur le poète des Fleurs du Mal, qui a servi de matière à un cours professé à l'Université de Berne. M. de Reynold écrit son livre en pleine sympathie pour Baudelaire, et laisse volontaire- ment de côté toute la légende qui s'est formée autour de lui. Peut-être le regrettera-t-on : l'Eglise elle-même a pris aux Evangiles apocryphes des traditions et des épisodes de la vie du Christ, et les historiettes apocryphes, parfois fort dignes de créance, qui se sont formées autour de Baudelaire, ajoutent vrai- ment à ce personnage, rendent à ce grand mystificateur un bien qu'il eût reconnu pour sien. Peut-être aussi la partie que M. de Reynold a consacrée à la personne de Baudelaire présente-t-elle un caractère un peu hagiographique, mais il est certain en somme

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