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NOTES 219

Cette poésie rend un son fin et juste, mais je soupçonne M. Derème d'avoir forcé la dose d'amertume ironique et de sourires pinces, par crainte de verser dans l'élégie.

L'auteur du Poème de la Pipe et de l'Escargot est un élégiaque qui s'ignore — volontairement.

ROGER ALLARD

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GEORGE SAND, MYSTIQUE DE LA PASSION, DE LA POLITIQUE ET DE L'ART, par Ernst Seillière (Alcan).

M. Seillière continue par ce gros volume d'analyses cons- ciencieuses la série des études qu'il a entreprises sur le mysti- cisme moderne, sur les courants sociaux et littéraires qui lui paraissent continuer les spéculations mystiques sorties des cou- vents au temps de Madame Guyon. Le cas de George Sand est aujourd'hui assez spécial. On ne la lit presque plus, et peut-être a-t-on tort. Je ne veux pas dire qu'il faille souscrire à ce juge- ment extraordinaire de M. Seillière : « La première Lelia vaut bien Faust ; le Journal de l'automne 1834 ou la correspondance avec Michel de Bourges sont de plus puissants cris que Werther ; certaines Lettres d'un Voyageur atteignent les Elégies romaines, la Mare au Diable ne le cède pas à Hermann et Dorothée, pas même à Iphigênie.en Tauride pour la pureté de la ligne classique. » Mais enfin il est certain qu'il y a chez George Sand des centaines de pag^es admirables. Si on ne la lit pas, on continue à la con- naître et à en parler beaucoup, généralement sans sympathie, comme t}'pe de la sensibilité romantique. Il semble que les amants de Venise tendent à prendre place dans la légende litté- raire comme autrefois Héloïse et Abélard dans la légende popu- laire. Cet intérêt est raisonnable, et il serait aussi bien raison- nable de le reporter sur les romans : l'œuvre de George Sand est en effet la plus complète, la plus puissante explosion de nature féminine qui existe en littérature. Aucun roman, aucune pièce de théâtre écrits par uu homme ne donnent cette sensa- tion directe de la femme, dans sa présence physique, dans son abondance sensuelle et morale. Il est naturel que les misogynes l'aient détestée. Barbey d'Aurevilly se plut à l'injurier, et Remy de Gourmont la poursuivait bien après sa mort d'une haine