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NOTES 2 1 3

jeunes hommes qui sans doute ne se battront pas, mais pour qui on se bat et en qui se prépare tout l'avenir. Durant ces cinq années de sacrifice, que pensaient les grands des petits? et surtout — puisqu'ils sont l'avenir, je le répète — que pensaient les petits des grands ? Pensaient-ils, comme pensait ou eût dû penser le non-combattant : « S'il existait une justice il n'y aurait pas trois hommes sur dix qui oseraient vous regarder dans les yeux. Que devons-nous leur dire ? dire d'eux ? faire pour eux ? » L'enlant « égoïste, orgueilleux, impérieux » en apprenant la mort d'un aîné s'écriera : « Qu'est-ce que tu veux ? ce sont les risques de la guerre ! » Exactement ce qu'on pensait au front ; sous ses dehors dédaigneux et indifférents, c'est l'élève Gérard qui est le plus près du soldat. — Voilà un des thèmes du livre. Il y en a un autre, de la même importance, c'est celui de l'édu- cation : comment réduira-t-on Gérard ? comment poussera-t-on Gérard ? quelles précautions prendra-t-on avec ce ner\'eux petit être pour qu'il ne déraille pas et qu'il travaille, comme il faut, à refaire la France, sauvée par ses camarades aînés ? Derrière le troupeau scolaire, on devine quelques silhouettes de prêtres, de surveillants, de professeurs, comme les collèges laïques n'en comptent guère, pour la raison que dans un collège religieux, il s'agit de former des âmes autant que des esprits. Ici on a le maniement de l'impondérable, on connaît les ressources de chaque enfant et l'auteur, qui s'est penché passionnément sur le mystère de l'enfance, résume la tactique qu'il faudrait partout employer : « Primum vivere ». D'abord « faire vivre ». A cet âge « c'est la première et la dernière fois que les enfants sont gratuits » et par conséquent disponibles. « Avec une prudente audace » il faudrait en eux « systématiquement créer de la crise. Dieu n'a guère de prise sur une âme toute ronde et qui se tient » (ni Dieu, ni aucun sentiment profond) « mais dans tout ce qui est humecté ou fêlé, dans chaque fente de ce qui se défait, comme il s'insinue, le Dieu subtil... le Dieu qui vient comme un voleur ! » Le procédé peut être discuté et il n'est surtout pas applicable à toutes les âmes ; aussi bien n'examinè-je pas le fond de la question. Je n'ai dessein que de montrer dans quel sens se porte aujourd'hui la curiositépsychologique, morale — et je puis dire sociale — de l'auteur que nous étudions et de quel intérêt me semblent être ses recherches. — M. de Montherlant

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