212 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
liant un sujet difficile entre tous et qui déjà a découragé les plus grands, la psychologie de l'enfance et de « l'âge ingrat », M. de Montherlant a traité symphoniquement ses découvertes. La pièce de résistance du volume, la Gloire du collège, est propre- ment un poème symphonique où toute la matière spirituelle et aussi sensuelle du sujet est brassée, mêlée, variée, et saisie dans une seule onde, et d'où les thèmes principaux n'émergent que pour replonger aussitôt dans l'épais tourbillon des inci- dentes. Ce n'est pas que l'impression d'ensemble soit manquée ; ce collège est vraiment un être dont la masse palpite, oscille et se penche parfois sur nous ; toutes les petites âmes encore obs- cures, contradictoires, décevantes et chères qui le composent, forment une seule âme passionnée dont on sent passer le souffle, brûlant. Mais on en veut au musicien de prendre trop souvent le pas sur l'analyste, de tourner sans fin autour de l'objet, de le circonvenir de loin, en un mot, d'orchestrer sa lucide pensée, sous le prétexte de l'approfondir. L'excès de l'analyse va contre l'analyse et brouille l'image au lieu de la fixer. Combien tous ces traits authentiques, si directement observés, combien ces figures vivantes qu'on entrevoit, qu'on va aimer et que soudain on perd de vue, gagneraient-elles à porter un nom, à nous par- ler tout droit, à se présenter en chair et en os, ainsi que fera — à la fin du livre — le jeune collégien Gérard ! Mais on ne vit pas impunément à une époque où le goût de l'image et de l'allu- sion perdant toute mesure et bravant toute règle, est en train de devenir un danger public : M. de Montherlant, comme les autres, aura dû payer son tribut. Ajoutons que l'objectivisme, pour employer ce vilain mot, n'est pas le fait des débutants et s'il faut s'étonner de quelque chose, c'est de ce que M. de Monther- lant, sous le débordement de l'exaltation personnelle, montre tant de curiosité précise pour autrui ; c'est par quoi il vaut selon moi. '■ — Ceci dit, qui ne concerne que la forme, il reste que la Relève du Malin est un livre unique en son genre, important en son genre et qu'il apporte une contribution précieuse à l'his- toire des esprits dans la période que nous traversons et qui commence avec la guerre. M. de Montherlant nous propose de méditer son propre cas et celui de ses camarades, transportés brusquement du collège au front de bataille, gardant avec ce collège chrétien un contact étroit et profond, y laissant de plus
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