RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 201
bre de personnes qui n'étaient pas de celles à qui la charge de conduire les négociations était confiée. Si tel ou tel des mem- bres de la délégation française a eu, à de certains moments, une lueur de la politique à suivre, ce ne furent que des velléités aussi tardives que passagères. Le cœur i]'v était pas. Lts idées non plus, les idées encore moins. » On cherche en vain dans celles de M. Clemenceau « quelque chose qui ressemble aux vues d'un homme d'État. »
L'idée générale qui gouverne le livre de M. Bainville est que l'ancien régime, où il y avait une tradition politique et des hommes d'Etat, a su tenir l'Allemagne divisée, et assurer par conséquent à la France une sécurité relative, tandis que les régimes qui lui ont succédé ont favorisé ou maintenu le danger majeur pour la France, à savoir l'unité allemande. Il en accuse le manque d'esprit politique, l'oubli des traités de Westphalie, les chimères démocratiques, napoléoniennes, wilsoniennes, trois masques sur un même visage. Et je ne nie pas que tout cela réponde à une réalité. Mais pourquoi ne s'en prend-il pas à la nature des choses ? Pourquoi le raisonnement par le sujet, à l'exclusion du raisonnement par l'objet ? Nous n'avons pas divisé l'Allemagne en 1918 et 19 19. Qiiand on renonce à couper un poulet, ce peut être pour deux raisons : parce que le couteau ne coupe pas, ou parce que la viande est trop dure, et souvent c'est pour l'une et l'autre à la fois. Le livre de M. Bain- ville nous explique, après Kiel et Tanger, que notre couteau ne coupe pas. II ne paraît pas examiner la question de dureté de la viande. « Des mœurs balkaniques, qui ne sont que les mœurs éternelles des petits Etats, seront la conséquence nécessaire d'une division qui s'est arrêtée au seuil de la race germanique, pourtant aussi apte que les autres à se diviser. »
Voilà, dans la Politique d'abord, un mépris bien superbe de la géographie et de l'histoire. Le traité de Versailles a divisé là où la nature des choses établissait déjà un commencement de division. Il a tranché en général là où il trouvait des articula- tions naturelles, et c'est un fait qu'il y en a dans la patte et l'aile du poulet plutôt que dans la carcasse. La race slave n'a pas été divisée par un insondable décret de la trinité versail- laise : elle l'était déjà par ses langues, le tchèque n'étant point le serbe, ni le polonais le russe, elle l'était par scm histoire et
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