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194 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

nous connaissons du caractère officiel ou officieux de cette littérature souvent fort distinguée ne nous permet pas d'y trouver une satisfaction sans mélange. Nous savons que nous sommes devant les feuillets d'un dossier d'avocat, nous assis- tons à des campagnes, nous suivons une stratégie, nous vivons dans un présent, nous reconnaissons les légistes nécessaires qui travaillaient pour Philippe le Bel, Richelieu ou Louis XIV, et dont un Etat moderne a ou croit avoir un besoin aussi urgent que de militaires ou de conseillers en droit international. Et si nous considérons d'anciens ministres comme M. Hanotaux, d'anciens présidents du conseil comme M. Barthou, d'anciens présidents de la République comme M. Poincaré, nous avons davantage encore l'impression d'une action qui s'exerce sous figure de pensée, d'un discours qui est, comme disait Démocritc, l'ombre de l'action.

Le cas de M. Bainville est un peu différent. Evidemment, il ne vise pas expressément à traiter les questions politiques de 1920 sous le même point de vue objectif que s'il étudiait la politique étrangère de Ferdinand le Catholique. Il vise à être ■utile dans la mesure de ses moyens et sans doute il déclarerait lui-même qu'il revendique au même titre que M. Poincaré, quoique avec moins d'autorité et de responsabilité, la fonction et le nom d'avocat de la France. Mais si nous comparons sa littérature avec toute celle à laquelle j'ai fait allusion, nous verrons que, malgré tout, la liberté de l'homme de lettres n'est pas un vain mot, et que si écrire ne représente sans doute pas un métier supérieur à plaider et à gouverner, c'est du moins un métier qui se suffit à lui-même et qu'aucun des deux autres ne saurait remplacer dans les attributions qui lui sont propres. Je ne me place ici qu'au point de vue de la forme. V Histoire Politique de M. Poincaré et les Enseignements politiques de la paix de M. Bainville paraissent à peu près en même temps, et si le premier est un meilleur plaidoyer, le second est incontesta- blement un meilleur livre.

C'est ici que, de ce point de vue tout littéraire, apparaît bienfaisante l'influence des idées sur lesquelles M. Maurras a frappé, pour les enfoncer et les imposer, trente ans avec obsti- nation. Des idées, ou plutôt une idée, celle de l'intérêt français. Evidemment ce n'était pas une matière qui demandât un grand

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