190 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
s'étendre, comme s'il n'avait pas été écrit. C'est plutôt pathologique, après tout : pourquoi ne m'a-t-on jamais appris que d'avoir tort cela tient au corps de si près : cette absence des idées, aussi, ou leur retour continuel. J'aurais tout de même pu m'en tirer sans le journal. Oui, malgré tous ces rêves; au lieu qu'à présent...
C'est bien à partir du 20 qu'il y a eu la chose nouvelle, que le mécanisme a joué. Vraiment c'est devenu du coup un journal véritable, un journal pour instruire, pour instruire le bon Dieu sait qui, mais enfin quelqu'un d'autre. Aytré ne se suffisait plus.
Je reconnais des signes faits pour moi : ils ne veulent pas dire : cheveux, rayons, enquête — mais cette autre chose qui s'ajoute maintenant à tout ce qui m'arrive, et même à mes souvenirs, pour les défaire :
Ce soir où je demandais à Raymonde : « Pourquoi as-tu deux points brillants dans ton œil, au lieu d'un comme tout le monde ? — J'ai le mien, et l'autre est celui de ton œil, que je regarde bien en face. — Moi alors j'en ai trois, les deux tiens et le mien. — Et moi quatre ; nous sommes comme les deux glaces qui se regardent... » Qu'est-ce que c'est donc que les yeux ?
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��Je puis bien suivre dans Aytré le même souci et que les choses qui vont de soi diminuent de nombre pour lui à mesure qu'il avance — jusqu'au point qu'il se voit marcher, du dehors, comme un autre homme le verrait. Il y a eu bien d'autres moments de fatigue, de remords, où quelque faute d'orthographe, un mot qui me manquait, un souci de la justice excessif ou la recherche des causes ont suffi à A me faire trop préoccupé d'un état où l'on perdrait l'habi- tude, comme à l'ordinaire nous la prenons. Qu' Aytré se défasse ainsi jusqu'à réfléchir le mouvement le plus natu- rel, je ne puis imaginer que ce soit autrement que moi.
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