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aussi mal placés que nos lèvres mal faites — tout d’un coup, mes yeux cessèrent de voir, à son tour mon nez s’écrasant ne perçut plus aucune odeur, et sans connaître pour cela davantage le goût du rose désiré, j’appris, à ces détestables signes, qu’enfin j’étais en train d’embrasser la joue d’Albertine.

Etait-ce parce que nous jouions la scène inverse de celle de Balbec, que j’étais, moi, couché et elle levée, capable d’esquiver une attaque brutale et de diriger le plaisir à sa guise, qu’elle me laissa prendre avec tant de facilité maintenant ce qu’elle avait refusé jadis avec une mine si sévère. (Sans doute, de cette mine d’autrefois, l’expression voluptueuse que prenait aujourd’hui son visage à l’approche de mes lèvres ne différait que par une déviation de lignes infinitésimale, mais dans lesquelles peut tenir toute la distance qu’il y a entre le geste d’un homme qui achève un blessé et d’un qui le secourt, entre un portrait sublime ou affreux). Sans savoir si j’avais à faire honneur et savoir gré de son changement d’attitude à quelque bienfaiteur involontaire qui, un de ces mois derniers, à Paris ou à Balbec, avait travaillé pour moi, je pensai que la fiiçon dont nous étions placés était la principale cause de ce changement. C’en fut pourtant une autre que me fournit Albertine ; exactement celle-ci : « Ah ! c’est qu’à ce moment-là, à Balbec, je ne vous connaissais pas, je pouvais croire que vous aviez de mauvaises intentions. » Cette raison me laissa perplexe. Albertine me la donna sans doute sincèrement. Une femme a tant de peine à reconnaître dans les mouvements de ses membres, dans les sensations éprouvées par son corps, au cours d’un tête-à-tête avec un camarade, la faute inconnue où elle tremblait qu’un étranger préméditât de la faire tomber.

En tout cas, quelles que fussent les modifications survenues depuis quelque temps dans sa vie (et qui eussent peut-être expliqué qu’elle eût accordé aisément à mon désir momentané et purement physique, ce qu’à Balbec elle avait