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de son roi, il abandonne seulement aux événements le soin de le produire.

Le cas de M. Maurras est réellement fort intéressant ; on se demande comment il se fait que tant d’habileté, tant de pénétration, une passion si profonde pour la raison et la clarté aient pu aboutir à de pareils égarements. M. Thibaudet ne nous sera pas d’une grande aide pour résoudre la question — il se laisse trop impressionner lui-même. Pour le lecteur anglais, son livre ne peut servir qu’à accumuler de nouvelles complications autour d’un sujet déjà passablement compliqué en lui-même. Ses ironies à mots couverts, le sourire courtois qu’on croit parfois y découvrir sont des armes puissantes, mais dont on se sert plutôt pour esquiver l’attaque que pour la mener. A nous autres hommes du Nord, qui appelons les choses par leur nom, M. Maurras apparaît comme quelqu’un qui irait buter de la tête contre un mur, et nous voudrions savoir pourquoi, précisé- ment en France, une activité qui semble à tel point dénuée de raison, trouve tant de gens pour l’applaudir. Pour M. Thibaudet, le fait que la pensée de M. Maurras ne puisse être mise en pratique n’est qu’accidentel. L’idée d’une unité sous un roi, d’une royauté résumant pour la France sa grandeur passée, est pour lui une acquisition solide de l’esprit français, dont la valeur ne peut être diminuée par l’erreur négligeable qui a amené M. Maurras à supposer que la grandeur de la France devra se faire à l’avenir selon la même formule. Pour un esprit anglais, une erreur pratique de ce genre, chez un écrivain dont la fin et le but sont d’un caractère pratique, ne paraît pas négligeable. Gemment alors expliquerons-nous le cas de M. Maurras et où trouverons-nous les raisons de sa popularité ? Selon nous, M. Maurras est populaire, parce que l’erreur qu’il commet est une de celles que l’esprit français, avec toute sa clarté, est tout disposé à commettre. Nous avons appelé M. Maurras un romantique ; voulons-nous dire par là que la France est une nation romantique ? Nous ne reculerons même pas devant un tel paradoxe. La France a dernièrement acclamé Jeanne d’Arc comme son héroïne nationale. La période de création classique en France, nous le croyons, était une grande période romantique, une époque dans laquelle Jeanne d’Arc était pour ainsi dire une fleur tardive, la période qui vit surgir les grandes cathédrales