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NOTES 105

part de la grand-guignolade, qui est dégoûtante et puérile. Quel dommage qu'elle tienne tant de place, car la pièce débute de façon magistrale et le sujet est attaqué avec une vigueur que Becque est seul à égaler. On pense souvent à Becque comme à la pure réalisation de ce qui reste trouble et bouillonnant dans Strindberg ; lui qui manquait d'invention, que n'aurait-il pas tiré de l'abondance de thèmes dramatiques qui fait rage dans l'œuvre du Suédois ? Combien il eût apprécié ces mises en page à la Degas, où les personnages surgissent, à demi coupés par le cadre, à la fois vrais et fantastiques. Au début des Créanciers, le mari infirme fait la confidence de ses souffrances à un inconnu rencontré dans un hôtel. Bientôt, sous la feinte bonhommie de ce dernier, transperce une atroce perfidie et nous devinons en lui un premier mari évincé qui prépare sa vengeance. Il écrase savamment les illusions de son successeur, l'encourage pour mieux le déchirer ; et, quand il le voit torturé à point, il recon- quiert sous ses yeux, par des flatteries, la femme infidèle ; mais c'est pour la rejeter sur le corps du moribond dès que le saccage et la destruction sont irrémédiablement accomplis.

A quelle force s'élèverait ce drame, avec ses raccourcis et son acuité, s'il était dégagé de ses prétentions philosophiques et de son odeur d'hôpital ! Il n'est pas d'auteur plus dépourvu que Strindberg de ce que nous appelons le goût ; et, par suite, son œuvre ne pourra jamais être pour nous qu'un amoncellement de puissants décombres, mais qu'il vaut la peine d'explorer et 011 le technicien dramatique peut trouver de singuliers stimu- lants.

Combien, en tout cas, un drame comme les Créanciers paraît avoir de poil et de poigne, quand on l'entend après cette funèbre tisane qu'est Vlntriise de Maeterlinck ! Quel vide et quelle puérilité ! Quelle absence de composition, de progression et d'intérêt ! On dit toujours, quand on parle de Maeterlinck : « Oui, mais il y a ses petits drames pour marionnettes... » Com- bien en reste-t-il ? jean schlumberger

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CARL SPITTELER.

Il est à nouveau question de Spittelerà propos du prix Nobel. Une déclaration du poète suisse alémanique prenant parti pen-

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