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UNE AGONIE


À LÉON DAUDET.


« Monsieur je ne dis pas, mais vous n’avez pas pris de rendez-vous avec moi, vous n’avez pas de numéro. D’ailleurs ce n’est pas mon jour de consultation. Vous devez avoir votre médecin. Je ne peux pas me substituer, à moins qu’il ne me fasse appeler en consultation. C’est une question de déontologie… » J’avais rencontré le fameux Professeur E…, presque ami de mon père et de mon grand-père, en tous les cas en relations avec eux, et pris d’une inspiration subite je l’avais arrêté au moment où il rentrait, pensant qu’il serait peut-être d’un excellent conseil pour ma grand’mère. Mais pressé, après avoir pris ses lettres, il voulait m’éconduire, et je ne pus lui parler qu’en montant avec lui dans l’ascenseur, dont il me pria de le laisser manœuvrer les boutons, c’était chez lui une manie. « Mais, Monsieur, je ne vous demande pas que vous receviez ma grand’mère, vous comprendrez après ce que je veux vous dire, elle est peu en état, je vous demande au contraire de passer d’ici une demi-heure chez nous, où elle sera rentrée. — Passer chez vous, mais Monsieur, vous n’y pensez pas. Je dîne chez le Ministre du Commerce, il faut que je fasse une visite avant, je vais m’habiller tout de suite, pour comble de malheur mon habit a été déchiré et l’autre n’a pas de boutonnière pour passer les décorations. Je vous en prie, faites-moi le plaisir de ne pas toucher les boutons de l’ascenseur, vous ne savez pas les manœuvrer, il faut être prudent