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958 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

rôles secondaires, doués par eux-mêmes d'une existence plus falote, qu'apparaît tout le bénéfice d'une mise en scène aussi vigoureuse. Là, l'invention triomphe et l'on ne saurait énu- mérer les trouvailles amusantes. D'ailleurs le tréteau n'eùt-il d'autre utilité que d'imposer au jeu la symétrie classique, on en tirerait un avantage qui n'est pas mince. Ces balancements du dialogue de Molière, ces effets qui se répondent, toute cette architecture de répliques et de gestes paraît d'une ordonnance un peu rigide et gênante sur une scène où régnent, à quelque degré que ce soit, nos habitudes réa- listes. Au Vieux-Colombier, la configuration même du sol sur lequel évoluent les acteurs les pose d'une manière si nette et dans un style si déterminé qu'ils peuvent ensuite se laisser aller à toute leur fantaisie. Ils s'y laisseront aller de plus en plus, à mesure qu'ils s'accoutumeront davantage à leur nouveau terrain. La sévérité est dans le point de départ et non à la surface ; ainsi seulement elle féconde le jeu au lieu de le glacer.

JEAN SCHLUMBERGER

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��■ LA SURPRISE DE L'AMOUR, de Marivaux au Vieux-Colombier.

Représenter du Marivaux est devenu, à notre époque de profonde indifférence à la peinture des sentiments, une entreprise presque téméraire. Tout ce qui n'est pas, au théâtre, immédiatement pathétique, tout ce qui ne fait pas effet en bloc sur notre émotivité, tout ce qui se présente comme analytique, déductif. partant comme progressif, décourage notre attention et nous paraît pure chinoiserie. La vérité de ce qui n'impressionne pas d'abord ne saurait plus être reconnue.

Nous sommes devenus tellement sensibles, et à tant de choses, nous avons laissé la nature matérielle prendre sur

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